Le gouvernement semble décidé à baisser les impôts. Si certains plaident pour cette baisse pour stimuler le pouvoir d'achat, d'autre, au contraire, préfèrent une baisse des taux qui agit directement sur la création de richesses et pousse à entreprendre, travailler et épargner davantage. La suppression de la vignette auto ou de la redevance TV, la baisse de la fiscalité sur les produits pétroliers etc. recueille un large consensus. Au côté de la baisse du taux marginal de l'IGR à 41,5 %, confirmée par le Premier ministre, la révision à la baisse du taux de la TVA est une autre réponse du gouvernement Jettou aux attentes du consommateur marocain. Si elle est entérinée par le gouvernement, la réduction du taux de la TVA de 20 à 19% répondra à une vieille recommandation du Fonds monétaire international (FMI). Par son caractère limité, cette baisse a surtout une portée psychologique. Toutefois, encore faut-il que cette concession soit répercutée sur le consommateur final. S'il est acquis que les grands comptes (les grands acheteurs) en ressentiront l'impact positif, les petits comptes n'y seront assurément pas trop sensibles. Le business «B to B » en est le premier bénéficiaire. En attendant de pouvoir mesurer l'impact réel, charge à l'Etat de trouver une compensation pour une moins-value en recettes du Budget évalué à 900 millions de dirhams. Côté consommateur, il est certain que le suivi de la répercussion de cette mesure n'est pas vérifiable à tout moment. « Ce sont les mécanismes du marché qui en décideront. Pour le contrôle, la direction des impôts est plutôt chargée de la collecte, alors que d'autres directions, à l'image de la direction de la répression des fraudes, font office d'instance de contrôle », affirme Brahim Kettani, de la Direction des Impôts, assurant l'intérim de Nourredine Benssouda, directeur général des impôts. Par conséquent, faire face à la tentation des commerçants de ne pas répercuter cette baisse et d'en faire un moyen d'accroître leur marge est une nécessité. En 2002, la TVA représentait près de 24 milliards de dirhams, soit 27,3 % des recettes fiscales de l'Etat. Par contre, l'approche en elle même pose avec insistance la question de faut-il baisser les impôts ? Paradoxalement la réponse libérale est non. Car l'urgence est de diminuer les taux, et pas la masse des recettes fiscales, qui pourrait au contraire se gonfler en cas de réduction des taux. C'est l'effet Laffer. C'est Laffer qui, dans sa célèbre courbe, a montré qu'une forte pression fiscale ou parafiscale paralysait toute l'activité, décourageait la production, l'investissement, l'épargne, la créativité, etc. Un courant économique s'est même développé depuis une vingtaine d'années, aux Etats-Unis d'abord, en Europe ensuite plaidant en faveur de "Supply side economics" ou "économie de l'offre". Reprenant la tradition héritée de Jean-Baptiste Say, ces économistes mettent l'accent, au niveau de l'analyse, comme dans la politique économique, sur ce qui se passe "du côté de l'offre", c'est-à-dire du côté des entreprises, de la production, de l'effort productif. Ils rompent ainsi avec près d'un demi-siècle de pensée keynésienne, qui mettait l'accent exclusif sur la demande, et pour qui toute politique économique passait par la relance ou le freinage de cette même demande globale (consommation + investissement). Les économistes de l'offre dénoncent en priorité tous les obstacles qui se dressent sur la route des entreprises et des ménages et qui limitent leurs efforts productifs : c'est le cas des réglementations étatiques abusives et étouffantes (comme le blocage des prix ou des revenus) et surtout de la pression fiscale. Les gouvernants ont été très longtemps sensibles aux sirènes keynésiennes, car elles leur donnaient l'illusion de manipuler facilement l'activité, en touchant à quelques grandeurs globales et en leur permettant, grâce aux déficits budgétaires, de dépenser plus qu'ils ne prélevaient. Depuis les années 80, de plus en plus d'hommes politiques (Regan aux U.S.A., Madame Thatcher en Grande-Bretagne,...) ont compris les ravages causés par une pression fiscale excessive, l'intérêt qu'il y avait pour l'économie dans son ensemble à libérer l'offre et à lui permettre de se développer sans contraintes. La question est donc de savoir si le Maroc est dans la situation où "l'effet Laffer" pourrait jouer. Des études sont assurément à engager dans ce sens. Le cas français est riche en enseignements. La France occupe la première place parmi les pays développés du point de vue du niveau général de la fiscalité (capital, travail, TVA, charges sociales, etc.). Les études ont démontré que si les réductions des taux d'imposition étaient réellement décidées, le montant des impôts collectés serait supérieur à ce qui est prévu. Il est tout de même flagrant d'observer que lorsqu'en France une réforme fiscale est lancée, le Maroc s'en fait l'écho. Les mêmes orientations sont mises en chantier alors que la donne n'est certainement pas la même. Au moins, en France, le débat n'est pas occulté. Dans les projets de réforme fiscale, l'impact du taux d'imposition sur le comportement des individus n'est pas négligé. Les différentes hypothèses sont considérées. Nos technocrates ont plusieurs chantiers propres au Maroc à engager. Celui de la fiscalité des organismes publics, les monopoles en tête, en est un qui s'impose de lui même.