Intervenant à la Chambre des conseillers, Ahmed Taoufiq Hjira a annoncé l'élaboration par son département d'un projet de loi accordant aux architectes le pouvoir de délivrer les permis de construire.Tout en saluant cette initiative qui vise à simplifier la procédure d'obtention de ces permis, l'Ordre national des architectes met cependant en garde contre les dérapages que cette nouvelle mesure pourrait entraîner. Le projet de loi n'est actuellement qu'à sa phase préliminaire, mais il n'a pas tardé à susciter des réactions aussi immédiates que favorables. Les architectes pourraient accorder des permis de construction à la place de l'administration . L'annonce de ce projet de loi a été faite par le ministre chargé de l'Habitat et de l'Urbanisme. Ahmed Taoufiq Hjira a affirmé devant la chambre des conseillers que la loi actuellement en vigueur a montré ses limites vu «qu'elle renferme des procédures compliquées entravant l'obtention de permis de construire et favorisant la prolifération de l'habitat anarchique». Validé par les collectivités locales et par l'Ordre national des architectes, cette mesure sera appliquée dans un premier temps aux logements R+3 et moins, ce qui comprend aussi bien les villas ainsi que les habitats économiques. Elle sera généralisée sur tous les types de constructions par la suite. Dans ce sens, et en collaboration avec le ministère de l'Intérieur et l'Ordre national des architectes, il sera procédé à la simplification des procédures administratives relatives à l'octroi de ces permis. Egalement en préparation, une circulaire incitant l'architecte qui exerce dans le secteur privé à jouer pleinement son rôle de pivot dans ce domaine. Ce qui n'est pas sans susciter l'enthousiasme de la profession. «L'idée derrière ce projet de loi est formidable. Au fait que la durée des délais d'obtention du permis de construction sera écourtée, s'ajoute également le rôle incitateur à l'investissement que cette mesure jouerait. Le citoyen aussi y trouve son compte, la mesure ne pourrait que lui simplifier la vie», déclare Omar Farkhani, président de l'Ordre national des architectes. Ce projet de loi, une fois adopté, permettra d'une part à alléger le processus, particulièrement complexe, d'obtention de permis, ce qui ne sera pas sans encourager le secteur de l'immobilier et inciter à l'investissement. D'autre part, il donne la place de choix que doit occuper l'architecte. Ce dernier, responsabilisé davantage, aura à être plus sélectif quant aux choix des projets. Les commandes en seraient mieux réparties, mieux traitées. Ambitieux, ce projet serait difficile, voire impossible à mettre en œuvre actuellement. C'est du moins ce qu'affirme le président de l'Ordre. Pour lui, le permis de construire est un pouvoir qui va passer aux mains des architectes, ce qui place l'Ordre comme une institution de garantie. Or, ce dernier ne dispose désormais plus de l'autorité morale qu'il avait par le passé. «Avant, l'ordre disposait de certificats de possession professionnelle que l'on accordait aux architectes et qui figuraient dans les demandes de construction. Tout architecte était obligé de passer par l'ordre. Cette procédure garantissait une transparence qui n'est plus de mise. L'obligation de ce document ayant été supprimée, il n'y a donc plus de moyen de suivre et encadrer les architectes», déplore M. Farkhani. A ce manquement, s'ajoute un autre, celui des moyens matériels à même d'assurer cet encadrement. Même si, comme le précise le ministre, l'administration aura toujours la mission de contrôle et de validation des plans d'aménagement et de lotissement et contrôlera mieux ce qui se passe sur le terrain, la profession craint le pire. L'état actuel des choses n'augure rien de bon dans la mesure où la concurrence déloyale fait ravage dans les milieux des architectes. «Le marché fait appel moins aux architectes les plus compétents qu'aux architectes les moins chers, et donc les moins regardants vis-à-vis des règlements et de la déontologie», remarque le président de l'Ordre. L'on s'achemine donc vers un environnement où tous les écarts seraient de mise. D'autant que même la loi devant organiser la profession, en l'occurrence le texte d'application 16-93, adopté en 1993 mais qui n'est pas encore en vigueur. Ayant délégué cette partie de ces prérogatives à la profession, l'administration marocaine gagnerait mieux à déléguer également une partie de ces moyens matériels et de son autorité morale pour la réussite de cette initiative. Pourvu que ne ressurgisse l'éternelle querelle entre architectes et promoteurs immobiliers. Amen !