Les deux hommes à avoir dégainé leur solidarité avec le cinéaste franco-polonais arrêté sous mandat américain sont Frédérique Mitterrand et Bernard Kouchner. Qui aurait cru qu'un fait divers d'une ampleur internationale, qui implique une prestigieuse personnalité, provoquerait un tel remous au sein de la classe politique française au point où les insultés fusent en écho aux indignations excessives. C'est ce qui vient d'arriver en France suite à l'arrestation en Suisse du cinéaste Roman Polanski pour une affaire qui remonte à la fin des années 70 lorsqu'il fut accusé d'avoir drogué et violé une mineur de 13 ans et fui la justice. Les deux hommes à avoir dégainé leur solidarité avec la rapidité de l'éclair avec le célèbre cinéaste franco-polonais, arrêté sous mandat américain, sont le ministre de la Culture, Frédérique Mitterrand, et celui des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Et tandis que Frédérique Mitterrand ne trouvait pas de mots assez durs pour fustiger cette décision de la justice américaine qu'il trouve «absolument épouvantable (…) pour une histoire ancienne qui n'a vraiment pas de sens», Bernard Kouchner s'est empressé d'écrire à ses homologues polonais et américain pour demander la libération du cinéaste. Un des premiers à avoir pris le contre-pied de l'indignation de Frédérique Mitterrand et de l'activisme de Bernard Kouchner, fut le Vert européen Daniel Cohn-Bendit qui le tacle violemment: «C'est un problème de justice et je trouve qu'un ministre de la Culture, même s'il s'appelle Mitterrand, devrait dire : j'attends de voir les dossiers». La sortie de Daniel Cohn-Bendit sur ce sujet particulier est d'autant plus croustillante que pendant la récente campagne des élections européennes, il fut ouvertement accusé par son contradicteur télévisuel du moment, François Bayrou, d'éloge de la pédophilie. Internet s'était enflammé au même moment par une vidéo montrant Daniel Cohn-Bendit, habillé d'une veste en cuir, le visage plein d'une morgue juvénile, dire crûment avec complaisance ce qu'il pense de la sexualité des enfants. Après Daniel Cohn-Bendit, le bâton de la critique fut repris au vol par la droite. Un de ceux qui ont le plus chargé Frédérique Mitterrand fut le député UMP du Nord Christian Vanneste qui le trouve plus «un porte-parole du microcosme médiatico-mondain que ministre de la République» et fustige «le jugement impérial sur les bons et les mauvais côtés des Etats-Unis». Cette posture critique a été portée aussi par Marc Laffineur vice-président UMP de l'Assemblée nationale : «Les accusations de viol sur un enfant de 13 ans, ce n'est pas quelque chose d'anodin, quelle que soit la personne qui est soupçonnée d'avoir fait cela». Une autre voix, celle de la députée Marie-Louise Fort, auteure d'un texte sur l'inceste qui «s'étonne» que «les qualités artistiques d'un individu, aussi brillant soit-il et aussi exceptionnelle soit son œuvre, puissent représenter une immunité pour des faits d'une extrême gravité». L'extrême droite en la personne de la famille Le Pen s'est mêlée de l'affaire pour chevaucher un de ses argumentaires préférés, celui de stigmatiser «la caste surprotégée du show-biz». Dans un communiqué cinglant, la sentence du Front National tombe comme un couperet : «Le soutien qu'ont apporté MM. Kouchner et Mitterrand à ce criminel pédophile, au nom des droits qu'aurait la caste politico-artistique, est scandaleux et justifie que soit demandée leur démission». Les nouvelles voix dissonantes qui secouent sa majorité sur un sujet de société aussi sensible que la pédophilie, même si l'affaire date d'une ancienne époque, ne vont pas faciliter la tâche de Nicolas Sarkozy. Le fait que la défense de Roman Polanski soit endossée publiquement par les deux symboles de l'ouverture que sont Frédérique Mitterrand et Bernard Kouchner rajoute à la dissension un palier supplémentaire. Il est difficile pour Nicolas Sarkozy de continuer à se taire sur le sujet au risque de désavouer, par son mutisme, la parole de ses ministres ou de s'exprimer au risque de rajouter de la tension et de l'incompréhension au sein d'une majorité de droite qui refuse que soit exonérées du crime pédophile des personnalités aussi célèbres et talentueuses soient-elles.