Ce n'est pas pour faire chic, mais j'ai regardé un programme dédié à la philosophie animé par le sémillant Raphael Endhoven. Pour ceux qui ne le connaissent pas, c'est un jeune agrégé de philo. Né sous l'auspice de l'écriture, il est le fils d'un éditeur et critique littéraire parisien. Ancien mari de la fille de Bernard Henri-Levy, il va délaisser celle-ci, lors d'une rencontre à Marrakech avec Carla Bruni, l'actuelle épouse de Nicolas Sarkozy, avec laquelle il aura un enfant. Ce côté people étant réglé, revenons à l'épisode qu'il a consacré à « La bêtise » en invitant, à l'occasion de la parution de son dernier ouvrage « Bréviaire de la bêtise », le philosophe Alain Roger. C'est que je n'ai pu, en regardant et surtout en écoutant cette émission, m'empêcher d'y entendre le sens de ce qui titille, en cette fin de Ramadan, le landernau médiatico-politique de l'axe Casa-Rabat. En concentrant le propos, on y découvre que bêtise et ignorance ne sont pas nécessairement synonymes. La culture ou l'intelligence, loin de délester la bêtise, peuvent en être les plus puissants attributs. Il n'y a pas plus sots qu'une idée ou des idées qui, en étant portés par une forme d'intelligence, versent dans la certitude. Or, ce qui, au Maroc, est considéré comme champ intellectuel, au sens gramscien du terme, est bardé de gens qui ont des certitudes. Lorsque des acteurs médiatiques, surtout quand ils ont une audience, veulent avoir raison sur tout, en parlant de tout et, à quelques exceptions près, de tous, on n'est plus dans la seule conviction d'avoir absolument raison. On est dans le contentement de soi qui, tout au plus, doit rester une affaire privée et intime. Or, au Maroc, on se permet même d'en faire un credo public. C'est faire preuve d'arrogance et d'égarement. Un chroniqueur parmi les plus lus, a bravé et a nargué, la semaine dernière, certains de ses confrères, en les défiant de le rejoindre aux cimes de sa popularité. C'est d'un narcissisme dévastateur et enfantin. Il énonce gravement l'autosatisfaction. Et Sartre n'hésitait pas à qualifier le satisfait de salaud. Lorsque des jeunes, journalistes pour l'essentiel, grisés par le désir de liberté, rebelles immatures et audacieux provocateurs s'engagent dans un donquichottesque défi de transgression, ils versent dans la bêtise de vouloir affirmer leur libre arbitre en méconnaissant texte et contexte. On peut discuter le fond. Mais la forme est imbécile. Or la bêtise, et c'est sa marque de fabrique, si elle n'est pas toujours une affaire de contenu, elle est systématiquement une affaire de forme. Reste la disproportion d'une réaction sociale horrifiée. Elle est pour le moins inquiétante. L'excès d'indignation n'est ni un signe de raison ni un gage de moralité.