J'adore écouter les « anciens », notamment nos personnes âgées érudites qui ont eu la chance de bénéficier d'une grande éducation, d'un enseignement de qualité et qui ont une réelle connaissance de l'Islam, un savoir sage, clair, bienveillant. Arrivés à un âge avancé, nos anciens portent sur la vie un regard lucide, connaisseur et riche d'une expérience humaine. Cette occasion m'a été donnée la semaine dernière où après un ftour, j'ai passé deux heures à écouter avec délice un «vieux monsieur» de 85 ans à la mémoire intacte. Outre tout ce qu'il a pu m'apprendre sur l'histoire de notre pays, emplie d'anecdotes que j'ignorais, j'ai été très frappé par ce qu'il m'a dit sur notre religion et en particulier sur le Ramadan. Si je devais résumer cela en une phrase, ce serait «il nous faut retrouver l'âme du Ramadan». Pour lui, en effet, notre politique du mois sacré - de nos jours – se limite «à ne rien boire ni manger pendant quelques heures» puisque malheureusement nous bafouons ostensiblement toutes les autres règles. Selon lui – et j'avoue qu'il m'a convaincu – notre façon de jeûner est partielle et peu conforme aux préceptes puisque nous passons la journée à nous plaindre, à proférer des injures (que dirait-il s'il se retrouvait au volant à une heure de pointe !), à médire d'autrui, à ne travailler que le strict minimum ( et encore !) et à avoir l'esprit fixé sue ce que nous allons pouvoir manger une fois le soleil couché. D'ailleurs pour lui, le terme «manger» est impropre auquel il voudrait mieux substituer celui de «bâfrer» ou « se goinfrer»… Le pire – toujours selon notre aïeul- se trouve dans l'esprit même du Ramadan où nous devrions nous efforcer de nous tourner vers Dieu, de faire preuve de piété de nos livrer à une «introspection» et de rendre nos actes (au moins durant ce mois) conformes aux principes d'équité, de solidarité, de sagesse, d'humilité, alors que bien souvent nous ne faisons que «maquiller» nos gestes et nos pensées ; ce qui en fait ne trompe que nous-mêmes. En écoutant ses paroles, j'avoue que je voyais notre comportement (au plus grand nombre d'entre nous, même si bien sûr il ne faut nullement généraliser) et que je n'en étais pas très fier, car si je me fie à ce que chacun d'entre nous vit et voit, il est clair que nous sommes bien loin d'une pratique intelligente et éveillée du Ramadan et que pour notre bien personnel et notre bien à tous, il serait grand temps de retrouver «l'âme du Ramadan», un mois certes de privation de nourriture terrestre mais un mois d'élévation de l'esprit, de surpassement de soi, de retour à des valeurs fondamentales et d'enrichissement – justement- de l'âme.