Les autorités algériennes n'ont pas encore commenté publiquement cette affaire. Mais il n'est pas besoin d'être un grand clerc, pour voir tous les effets néfastes que peut entraîner l'ouverture de cette boîte de pandore franco-algérienne. Devant le témoignage accablant du général François Buchwalter qui accuse l'armée algérienne d'avoir massacré les sept moines de Tibéhirine, d'avoir sciemment monté un simulacre de kidnapping pour mettre l'affaire au passif des GIA et qui accuse aussi sa hiérarchie militaire et diplomatique d'avoir observé une bienveillance complice à l'égard de ces meurtres, le président Nicolas Sarkozy était confronté à deux choix. Le premier était de pratiquer la politique de l'autruche autiste qui ne voit rien et ne saisit rien. La terrible raison d'Etat et l'humeur déjà névrotique de la relation entre Paris et Alger étaient en jeu. Le second choix était de donner suite à cette fracassante révélation en adoptant la seule attitude qui vaille, à savoir répondre favorablement à une exigence de plus en plus collective, celle de lever le secret défense sur cette affaire pour vérifier les dires de François Buchwalter et palper l'épaisseur des complicités d'Etat qui avaient enterré ce scandale. Nicolas Sarkozy choisit donc la seconde piste. Dans son «naturellement, je lèverai le secret défense sur tous les documents que me demandent la justice», il n'y avait rien de spontané ni de naturel. La décision a été mûrement réfléchie et ses conséquences politiques et diplomatiques examinées à la loupe. D'ailleurs dans la même intervention, Nicolas Sarkozy évoque déjà là où cela peut grincer: «La justice doit avoir tous les documents. On ne peut pas dire que l'amitié entre les peuples et les pays peut résister au mensonge. Je suis vraiment déterminé à ce que la lumière soit faite». Il a donc suffi que Nicolas Sarkozy accepte de lever le secret défense sur cette affaire des moines de Tibéhirine pour que sa ministre de la Justice Michelle Alliot-Marie promette «tous les moyens» à l'enquête : «Tout sera mis en œuvre afin de connaître les auteurs et les conditions de cet assassinat» et que le ministre de la Défense Hervé Morin assure que les autorités n'avaient «aucune raison de chercher à cacher la moindre chose». Au-delà de sa dimension purement judiciaire, ce qui pimente cette affaire est le halo du grand mensonge d'Etat qui l'entoure. Impression renforcée par les déclarations de l'ancien juge antiterroriste et ancien député UMP Alain Marsaud qui ne mâche pas ses points et pointe un fer accusateur : «J'ai l'impression maintenant que l'ensemble des hautes autorités concernées de l'époque étaient complètement au courant de ce qui c'était passé, qu'elles n'étaient pas dupes (…) il y avait une volonté de ne pas investiguer (…) C'est une affaire qui a été enterrée volontairement». Cette charge a obligé Alain Juppé et Hervé de Charrette, respectivement Premier ministre et ministre des Affaires étrangères au moment des faits de sortir de leur silence et d'affirmer qu'ils n'étaient pas au courant de «cette bavure» qui avait coûté la vie au sept moines d Tibéhirine. L'opposition en France s'est vite saisie de cette affaire. Le PS veut que la justice ailles «jusqu'au bout». Jeans Christophe Cambadélis, le secrétaire national aux Relations internationales au PS évoque les raisons suivantes: «Si ce témoignage se révélait exact, cela impliquerait probablement que les autorités françaises et algériennes ont dissimulé les conditions dans lesquelles nos compatriotes ont été massacrés». Mais c'est sur la partie algérienne que la décision de Nicolas Sarkozy de lever le secret défense risque de déteindre fortement. Les autorités algériennes n'ont pas encore commenté publiquement cette affaire. Mais il n'est pas besoin d'être un grand clerc, tout droit sorti d'un séminaire de stratégie militaire et diplomatique, pour voir tous les effets néfastes que peut entraîner l'ouverture de cette boîte de pandore franco-algérienne. Si l'enquête, levée de secret défense aidant, parvient à prouver que les services de sécurités algériennes ont simulé un enlèvement en se cachant sous les habits sanglants des GIA, il n'y a plus aucune raison de ne pas jeter un regard critique et interrogateur sur l'ensemble du bilan opérationnel de ces groupes islamiste armées, à commencer par des faits sanglants comme les attentats commis sur le sol français. Cet écho a une impression de déjà-vu et entendu pour les initiés en France. En effet, la presse française avait déjà, par le passé, eu droit aux confidences de Abdelkader Tigha, un ancien du DRS ( département de renseignement et sécurité ex-SM) qui avaient alimenté le scénario du kidnapping simulé.