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Malika Benradi : «Une enquête internationale est nécessaire»
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 22 - 05 - 2009

Malika Benradi dévoile à ALM son point de vue à l'égard du drame d'expulsion des Marocains d'Algérie.
ALM : Comment se fait l'opération d'expulsion d'un pays vers un autre ?
Malika Benradi : L'expulsion est une mesure administrative susceptible de voies de recours que tout Etat applique à l'égard d'une personne étrangère qui n'a pas respecté la réglementation relative à la police des étrangers. La mesure demeure légale, elle traduit la souveraineté de l'Etat. Cependant, lorsqu'elle est massive, arbitraire et abusive, comme c'est le cas des 350.000 Marocains «chassés» de l'Algérie en 1975, juste après la Marche Verte, elle pose fondamentalement la question du respect des droits humains fondamentaux reconnus aux Marocains installés régulièrement et légalement en Algérie et surtout les droits acquis sur le territoire algérien. A rappeler que cette expulsion sauvage a touché tous les ressortissants marocains - hommes et femmes - même ceux et celles qui sont mariés à des Algériens. Imaginez un peu les drames de la séparation des Marocains expulsés sans leurs enfants lorsque la mère est algérienne, des mères marocaines à qui on a arraché leurs enfants parce que le père est algérien. Les couples mixtes vivent des séparations inhumaines, dramatiques. Des milliers de familles sont déchirées, des milliers de ressortissants marocains ont grandi en Algérie, ils ont perdu tout lien avec le Maroc. Le retour est vécu comme un véritable déracinement, d'autant plus que l'intégration n'est pas facile.
Que prévoit la loi en matière d'expulsion ?
L'arsenal juridique relatif à la police des étrangers prévoit différentes mesures : le refoulement, l'expulsion, le rapatriement, la reconduite à la frontière… La mesure doit être justifiée, non arbitraire et non abusive. Au Maroc, la loi 02-03 relative à l'entrée et du séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulière prévoit la mesure d'expulsion dans ses chapitres IV et V (articles 25 à 33). Elle est prononcée par l'administration lorsque la présence d'un étranger sur le territoire marocain constitue une menace grave pour l'ordre public. Toutefois, elle est soumise à des garanties judiciaires et ne peut être prononcée contre: l'étranger justifiant qu'il réside au Maroc habituellement depuis qu'il a atteint l'âge de six ans, l'étranger justifiant qu'il réside habituellement au Maroc depuis plus de 15 ans, l'étranger qui réside sur le territoire marocain depuis 10 ans, l'étranger(e) marié(e) depuis au moins un an avec un conjoint(e) marocain(e), l'étranger(e) qui est père ou mère d'un enfant résidant au Maroc, ayant acquis la nationalité marocaine par le bienfait de la loi et la femme étrangère enceinte, ainsi que l'étranger(e) mineur(e). Lorsqu'on compare les dispositions de cette loi à la situation des Marocains expulsés d'Algérie, on relève la gravité des violations et violences subies par les Marocains. C'est inadmissible eu égard à la philosophie des droits humains, philosophie qui a fondé les conventions internationales sur les droits reconnus aux étrangers.
Quels sont les mécanismes juridiques pour faire valoir ces droits ?
Dans le cas d'espèce, que je qualifierai de crime contre l'humanité, il est nécessaire de saisir toutes les instances régionales (Ligue Arabe, l'Union africaine, UMA) et internationales (les Nations Unies, la Cour pénale internationale). De surcroit, il faut faire connaître les drames des Marocains expulsés par l'Algérie, exiger la reconnaissance par les plus hautes autorités algériennes de la responsabilité de l'Algérie dans cette tragédie, d'une part. Et d'autre part, il faut demander la restitution des biens spoliés, l'ouverture des frontières pour permettre aux familles séparées de se retrouver, l'indemnisation et la réparation des préjudices matériels et moraux subis. Il me semble que les associations créées à cette fin au Maroc (Nador, Meknès et Rabat), mènent un véritable plaidoyer. La preuve est la lettre adressée au secrétaire général des Nations Unies en novembre 2007. Les médias aident beaucoup dans cette mobilisation.
Ces Marocains revendiquent la reconnaissance historique de cette expulsion. Peuvent-ils l'obtenir ?
Je l'espère et je crois beaucoup à la mobilisation et à la détermination des associations de Marocains victimes d'expulsion d'Algérie. Une enquête internationale est nécessaire pour lever le voile sur toutes les violations subies par les Marocains et responsabiliser l'Algérie pour l'amener à reconnaître la situation et à présenter officiellement ses excuses aux Marocains.
Les expulsés demandent à ce qu'une journée commémorative soit célébrée. Croyez-vous que l'Algérie entreprendra des initiatives dans ce sens ?
Je pense que le dossier du Sahara marocain bloque toute initiative algérienne dans ce sens. Les Marocains expulsés d'Algérie ont le droit de commémorer cette tragédie, c'est un moment et une occasion de mobilisation. Ils peuvent le faire là où ils se trouvent, au Maroc et ailleurs et surtout en Europe, pour sensibiliser les Européens sur les agissements de l'Algérie à l'égard des Marocains qui ont combattu pour sa libération et qui ont le sens de la solidarité, du partage et du bon voisinage !


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