Le ministère de l'Intérieur dément avoir adressé une note appelant les walis et les gouverneurs à rejeter les candidatures des parlementaires ayant changé de parti politique depuis les législatives de 2007. C'est une fin de semaine houleuse qu'a vécue la scène politique nationale. Jeudi 14 mai, des informations filtrées à la presse faisaient état de la discussion lors de la réunion, la veille, du Conseil de gouvernement, d'une note du ministère de l'Intérieur appelant les walis et gouverneurs des différentes régions du Royaume à ne pas retenir les candidatures des parlementaires ayant changé de parti politique après leur élection en septembre 2007. Aussitôt rendue publique, l'information a eu l'effet d'une bombe sur la place politique. Au début, c'est la surprise, l'étonnement. Une fois l'information vérifiée, place aux interprétations. Une initiative du ministère de l'Intérieur pour remettre de l'ordre dans le paysage partisan préélectoral, estiment certains pendant que d'autres s'empressent d'affirmer qu'il s'agit d'une décision du gouvernement qui veut sauver ses composantes d'un éventuel naufrage électoral dû notamment à l'érosion continue dont elles sont victimes depuis l'entrée en scène du Parti Authenticité et Modernité (PAM) fondé par Fouad Ali El Himma. Et c'est justement au quartier général du PAM que la nouvelle aura le plus d'impact. Les appels téléphoniques des élus qui viennent de rejoindre les rangs du parti se multiplient. Ils demandent des explications et cherchent à être rassurés quant à la recevabilité de leurs candidatures sous les couleurs du PAM. Du côté de ceux qui s'apprêtaient à rallier le parti du tracteur, c'est le silence radio. Ils font le mort et mettent leurs démissions de leurs formations initiales sous embargo. La panique est totale car c'est ce lundi 18 mai que les dépôts des candidatures commencent. La direction du PAM se réunira le soir même de la publication de l'information pour débattre des mesures à prendre pour faire face à la situation. Un communiqué finalisé, vendredi, lors d'une réunion extraordinaire du bureau politique élargie aux parlementaires et aux élus de la formation, a été finalement rendu public samedi 16 mai. «Les parlementaires et les conseillers du Parti Authenticité et Modernité expriment leur vive stupéfaction de l'interprétation tendancieuse de l'article 5 de la loi sur les partis, en ce sens qu'elle comporte une ingérence inadmissible dans les prérogatives de l'institution judiciaire et une entreprise de perturbation désespérée qui vise à faire échouer l'opération de mise à niveau du champ partisan national», indique le communiqué relayé par la MAP. Le texte insinue l'existence d'un complot fomenté par le ministère de l'Intérieur visant à freiner la vague des ralliements dont le PAM fait l'objet depuis la tenue de son congrès fondateur en février dernier. Mais, le texte va au-delà de cette interprétation en estimant que l'initiative du ministère de l'Intérieur vise à «faire échouer l'opération de mise à niveau du champ partisan national». Le PAM, présenté et considéré par ses fondateurs comme un projet ayant pour mission de réformer le paysage partisan national, estime que c'est cet « objet » qui est visé par «le complot». Forte de la réaction «unanime» de ses parlementaires, la direction du PAM hausse le ton et menace de faire tomber le gouvernement. L'affaire prend une nouvelle tournure et Abbas El Fassi, en déplacement à Amman où il représente le Maroc au forum du G11, est informé des nouveaux rebondissements. Quelques minutes après la diffusion par la MAP du communiqué du PAM, une dépêche de la même agence, décidément très proche de l'événement, fait état d'un démenti du ministère de l'Intérieur qui précise que ce département n'a publié aucune «note sur les parlementaires ayant changé leur appartenance politique». Le département de Chakib Benmoussa précise, selon la même source, que «le ministère œuvrera, en toute neutralité, à faire respecter les lois en vigueur dans ce domaine, loin de toute exploitation politicienne». Une précision qui ne remet pas en cause l'existence d'une volonté de mettre en application l'article 5 de la loi sur les partis qui interdit à tout élu dont le mandat est en cours de se présenter à des élections sous une autre couleur politique. Le démenti concerne, en fait, uniquement l'existence d'une note adressée aux walis et gouverneurs. Mais, cela ne signifie pas que la loi ne sera pas appliquée. Et c'est sous cet angle, d'ailleurs, que la question a été posée mercredi dernier. L'affaire qui ne figurait pas à l'ordre du jour du Conseil de gouvernement a été soulevée par le ministre de l'Intérieur qui a fait part aux membres du gouvernement de l'existence de plusieurs plaintes de la part des leaders des partis politiques qui protestent contre la vague de transhumance et exigent l'application des dispositions de la loi sur les partis. Le ministère de l'Intérieur a fait part aux membres du gouvernement de l'existence d'une demande de consultation du secrétariat général du gouvernement sur l'applicabilité de l'article 5 en ce qui concerne la candidature d'un parlementaire aux élections communales sous une autre couleur politique. Une demande d'interprétation légitime et logique du fait que l'article 5 parle uniquement de mandats parlementaires et ne fait pas de référence aux mandats communaux. Les effets du choc ayant été partiellement atténués par la précision apportée par le ministère de l'Intérieur, il est clair que l'affaire aura des répercussions sur l'élan du PAM. Les craintes suscitées par les rebondissements de cette affaire auront pour effet de diminuer la vitesse de la course à la transhumance qui s'est accélérée ces dernières semaines.