Christine Boutin, qu'on dit plus proche de la sortie du gouvernement que d'une promotion, cherche à mobiliser l'électorat traditionaliste pour en faire demain une force politique. Voici une de ces belles polémique sociales dont Nicolas Sarkozy, par ces temps de crise aiguë, aurait pu se passer. C'est un débat sur la monoparentalité introduit incidemment par un texte qui visait à installer et encadrer le droit des beaux-parents sur les enfants au sein des familles recomposées. Il s'agit, à la base, d'un texte visant à permettre aux parents biologiques d'autoriser un tiers à assumer une partie de l'autorité parentale. Ce texte de loi est porté par Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la Famille, fait le constat que la société française vit des «nouvelles configurations familiales» avec «1,6 million d'enfants vivant au sein d'une famille recomposée, 2,7 millions dans un foyer monoparental et 30.000 qui vivraient dans un foyer composé de deux adultes de même sexe». C'est cette dernière catégorie qui a enflammé l'ire de la plus catholique des ministres de Nicolas Sarkozy, Christine Boutin, ministre du Logement. Elle s'est fondue d'un communiqué cinglant qui recadre le débat et lui donne une nouvelle tonalité : «Je n'accepterai pas que l'on reconnaisse l'homoparentalité et l'adoption par les couples homosexuels de façon détournée en les glissant dans une loi sur le statut du beau-parent (…) L'enfant, pour se structurer, a besoin d'un papa et d'une maman». La polémique est lancée. D'autant que Nadine Morano se trouve obligée d'expliquer sa démarche sans apparaître comme faisant l'apologie de l'homoparentalité. Et décoche au passage un violent coup de griffe à Christine Boutin lorsqu'elle l'avait invitée à «relire le texte plutôt que d'avoir une posture passéiste et idéologique». Nadine Morano argumente sa proposition qu'elle dit être une promesse électorale du candidat Sarkozy: «Il s'agit de permettre à celui qui élève un enfant d'avoir des droits dans le cadre de l'autorité parentale partagée, s'il y a accord entre les parents biologiques et celui qui va s'occuper de l'enfant, et par le biais d'une convention homologuée chez le juge». Ce différend public entre deux membres du gouvernement de François Fillon sur une question aussi sensible que l'homoparentalité a suffi pour nourrir l'imagination des éditorialistes. Les voilà qui décrivent un redoutable combat entre Christine Boutin, notoirement connue pour son combat anti-pacte civil de solidarité (Pacs), catholique traditionnelle revendiquée et Nadine Morano, la jeune Madame sans-gêne du gouvernement, prête à surfer sur toutes les vagues pour se construire un fonds de célébrité. La première qu'on dit plus proche de la sortie du gouvernement que d'une promotion et qui cherche à mobiliser l'électorat traditionaliste pour en faire demain une force politique. La seconde, membre du fameux G7, parmi les ministres auxquels Nicolas Sarkozy accorde le plus de confiance, et qui cherche à capter l'air du temps pour ne pas laisser à la gauche le monopole de l'innovation sociale. Ce débat a par ailleurs alimenté une série de réactions politiques. En plus du Front National qui qualifie ce texte «d'annonciateur de toutes les dérives», un autre porte-parole de la droite traditionaliste, Philippe de Villiers a trouvé l'occasion de monter sur ses grands chevaux : «Ce projet a pour objet la déstructuration de la famille dans une société qui perd peu à peu l'ensemble de ses repères alors qu'il conviendrait au contraire de mettre en œuvre une grande politique familiale». Même au sein de l'UMP, Nadine Morano en a pris pour son grade. Le député Jean-Marc Nesme l'accuse d'avoir «plié sous la pression du lobby homosexuel» et fustige ce texte d'avoir «créé la confusion en niant l'importance de la filiation et en légitimant le déni de la différence sexuelle. En bref, il souhaite bouleverser le droit de la famille en affirmant que le désir d'enfant serait suffisant pour créer la parenté». L'opposition socialiste a profité de ces échanges passionnés au sein de la majorité présidentielle sur un sujet aussi sensible pour souligner les contradictions qui minent l'édifice gouvernemental comme le fait Jean-Patrick Gille secrétaire national du PS à la famille : «cette passe d'armes traduit un vrai cafouillage au sein de l'exécutif et au-delà les contradictions de la majorité parlementaire et montre une nouvelle fois les difficultés de la droite à comprendre les évolutions de la société et à prendre en compte la diversité des configurations familiales».