Abdelhamid El Ouali, professeur à la Faculté de droit de Casablanca et auteur de l'ouvrage «Autonomie au Sahara : prélude au Maghreb des régions», explique sa vision à propos des derniers développements de l'affaire du Sahara marocain ainsi que l'avenir du projet d'autonomie. ALM : Que va changer la nomination du diplomate américain Christopher Ross, envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon ? Abdelhamid El Ouali : Je ne pense pas que la nomination de Christopher Ross pourrait exercer un impact important sur la question du Sahara. Le dossier du Sahara est trop lourd et a des implications extrêmement importantes pour qu'un diplomate, fut-il le plus chevronné, puisse changer le cours des choses. C'est pour cette raison que les diplomates onusiens ont toujours cherché à adopter une position à distance des parties concernées dans cette affaire. Au moins au début, car il est apparu qu'avec le temps les secrétaires généraux et leurs envoyés personnels, et cela depuis 1991, ont fini par se rendre à l'évidence et recommander l'adoption d'une solution de compromis sous la forme de l'autonomie territoriale. Et c'est ce qu'a fait avec éclat, Peter van Walsum, avant d'être forcé à la démission. Je vous renvoie à ce sujet pour plus de détails à mon dernier ouvrage sur la question du Sahara. Comment envisagez-vous l'avenir du plan d'autonomie à la lumière des derniers développements du dossier ? Ou pour dire les choses autrement, êtes-vous optimiste quant à l'issue des négociations ? Il ne me semble pas que les négociations actuelles, si on peut appeler cela négociations, puissent aboutir à rien de tangible. Comme vous le savez, ce à quoi l'on a assisté jusqu'à présent ce n'est pas à de véritables négociations mais à une réitération des positions des parties. La responsabilité d'une telle situation incombe au Polisario qui fait semblant d'ignorer le sens et la portée de la Résolution 1754 du Conseil de sécurité qui, il est vrai cela n'y est pas dit explicitement, requiert que les parties négocient sur la base du projet d'autonomie présenté par le Maroc, autrement cette résolution n'aurait aucun sens car elle ramènerait les parties à la situation de blocage que l'affaire du Sahara a connu depuis 2004. Il aurait été souhaitable que le Conseil de sécurité prenne une position plus claire. Mais, il ne me semble pas que les grandes puissances soient prêtes pour pousser le Conseil de sécurité d'aller dans ce sens. Vous savez, ce ne sont pas les négociations actuelles qui mèneront la solution de la question du Sahara. Le rôle de celles-ci, tel que je le vois, est, pour chaque partie, de prendre à témoin la Communauté internationale et de chercher à la convaincre que c'est l'autre qui bloque toute perspective de solution. C'est cette bataille que doit chercher à gagner le Maroc. C'est pour ce faire, il faudrait que notre diplomatie ait un discours moins coincé et plus en phase aussi bien avec la dynamique nouvelle que connaît le pays qu'avec les sensibilités et attentes de la société civile mondiale qui, j'ai bien peur, pourrait avoir son mot à dire dans cette affaire. L'Espagne sera appelée à assurer la présidence de l'UE dès le premier semestre 2009. Quel impact aura cette nouvelle donnée sur la question du Sahara ? Septembre 2009 est encore loin. Beaucoup de choses peuvent se passer avant cette date. Et puis, un pays seul ne peut pas changer la donne dans une affaire dont les implications sont géostratégiques. Que pensez-vous de l'appel pour le passage à la mise en œuvre du plan d'autonomie dans les provinces du Sud ? Je ne pense pas que cela soit une bonne chose, à moins d'inscrire cette mise en œuvre dans un cadre global qui touche tout le Maroc. Mais, on en est encore loin car l'application de la régionalisation, telle qu'annoncée le 6 novembre dernier par le Roi Mohammed VI, qui a une vision stratégique de long terme et une perspective très ambitieuse pour le Maroc qui dépasse les contingences actuelles, demandera du temps.