Les instances internationales ont lamentablement exprimé les limites de leur influence et de leur poids. On a pu observer que des changements importants se sont opérés, isolant Israël et les Etats-Unis au sein du Conseil de sécurité. Voilà maintenant trois semaines que l'horrible et criminelle agression sioniste contre le peuple de la bande de Gaza a pris fin. Elle laisse derrière elle une cohorte de victimes innocentes, la ruine pour les survivants, un état de désolation effroyable, des institutions politiques palestiniennes en lambeaux, l'ensemble sur fond de divisions interarabes légendaires. Au-delà de l'émotion que suscitent dans les cœurs les images insoutenables et douloureuses gravées à jamais dans les mémoires et par-delà les sentiments de dégoût, de mépris et de révolte qu'inspire l'arrogante bestialité des agresseurs sionistes, le recul encore tout relatif par rapport à ces tragiques évènements peut permettre une préliminaire réflexion. 1. Rendu faisable par le précédent irakien, l'objet de l'agression avait visiblement un rapport mesquin avec des considérations de politique intérieure d'Israël. Les 1300 morts ont expié pour que les partis au pouvoir puissent annihiler la montée en puissance de l'opposition et se donner ainsi des chances de succès aux élections du 10 février. Rendue possible au regard des inconséquences de toutes les agressions israéliennes antérieures, perpétrées aussi bien contre la Palestine que contre le Liban, l'entité sioniste a eu beau jeu de commettre ses ignobles crimes quand elle savait à l'avance l'impunité qui les accompagne. Globalement, lors de cet épisode, toutes les valeurs morales ont été piétinées, le droit international superbement bafoué et les lois de la guerre délibérément ignorées. Des actions, qui appellent un fort soutien, sont entreprises par les sociétés civiles d'un grand nombre de pays pour ne pas laisser passer pareil méfait sans punition. Les déclarations faites par le secrétaire général de l'ONU lors de sa visite à Gaza sur sa volonté de voir incriminer les responsables des exactions et des crimes commis, laissent espérer qu'une action internationale puisse être entreprise pour que plus jamais une telle ignominie ne puisse se renouveler et que les auteurs en soient justement châtiés. Au-delà, les instances internationales ont lamentablement exprimé les limites de leur influence et de leur poids. Certes, on a pu observer que des changements importants se sont opérés, isolant Israël et son mentor américain au sein du Conseil de sécurité (sans préjuger des développements apparemment positifs que suscitera la nouvelle administration Obama). Toutefois, force est de rappeler que des 42 résolutions du Conseil à l'encontre d'Israël, aucune n'a pu être appliquée, donnant en toute logique la liberté à celui-ci de dépasser les limites du soutenable et de transgresser impunément toutes les règles. La réforme de l'ONU devient ainsi un impératif à voir la perte de crédibilité dont pâtit cette institution et son incapacité à instaurer la paix pour laquelle elle a été pensée. La réforme de l'ONU et du Conseil de sécurité devient une exigence si les Etats ne veulent pas être soumis à la menace des humeurs de plus fort qu'eux à cause d'une nouvelle règle, non édictée certes, mais effective dans la réalité, au nom de laquelle l'ingérence sous toutes ses formes devient possible. 2. L'état de déliquescence auquel est parvenue l'Autorité palestinienne est malheureux. On en viendrait à regretter le temps où l'OLP réfléchissait une image de bravoure et de courage. Comment est en est-elle parvenue à ce stade où, divisée, brisée, elle est devenue à la merci des pressions et des instructions, incapable de prendre sa destinée en main? Victime de la fameuse assertion selon laquelle pour régner, il faut diviser, elle est soumise à une situation où les courants intégristes, favorisés par l'ennemi, ont miné ses fondements qu'on croyait solides. Si Ben Laden a été le produit des Américains pour contrer l'invasion soviétique de l'Afghanistan, le Hamas peut être considéré également comme le produit d'Israël pour miner l'Autorité palestinienne. Mais, de la même manière, comme Ben Laden, après avoir réussi sa mission, s'est retourné contre son géniteur, il faut admettre que Hamas, après avoir réussi ce pourquoi il a été promu, est devenu une menace pour ceux qui l'ont favorisé. Mais où sont passées toutes les forces progressistes palestiniennes qui, par leur courage vrai et leur sacrifice réel, ont rendu leur combat celui de la nation toute entière, qui ont porté et assumé la lutte et la résistance, faisant rêver les esprits épris de justice des générations et des générations du monde entier ? Où est cette image de Yasser Arafat, soumis lui-même aux bombardements au Liban et à Gaza aux côtés de ceux qu'ils représentaient, au nom du partage du sort commun qui fait la force et la symbolique de toute lutte? Autant le peuple palestinien grandit à nos yeux par sa dignité et sa bravoure, autant on peut se lamenter de la qualité poltronne et lâche de tous ceux qui le dirigent aujourd'hui. 3. Il est un fait tellement admis qu'il en est résulté le fameux proverbe selon lequel les Arabes se sont entendus pour ne pas s'entendre. Ce malheureux épisode a donné encore l'occasion de le prouver. Le plus curieux dans l'affaire aujourd'hui vient du fait que si la mésentente entre les pays arabes, dans un temps, était compréhensible du fait du clivage idéologique entre ceux qui s'affiliaient au bloc communiste et ceux qui suivaient le monde occidental, elle devient aujourd'hui problématique car elle ne repose que sur la religion. Entre ceux qui s'allient à l'Iran et ceux qui s'y opposent ; entre les Wahhabites, les sunnites, les chiites et d'autres, les tiraillements sont d'ordre religieux avant tout. Instrumentalisée à souhait pour des intérêts avoués et inavoués, la religion musulmane qui, pourtant, prône l'unicité du Créateur et du dogme, est devenue, entre les mains des intégristes, un élément de division, voire de haine et d'adversité entre nous, conduisant inéluctablement à la faiblesse et à la soumission devant l'autre. Cela réfère à une période similaire vécue par les musulmans au Moyen âge avec les conséquences que l'on connaît et qu'on vit. Le résultat en est que la cause palestinienne qui était une, s'en est trouvée brisée, la nation partagée et les pays arabes en particulier pris un à un, traversés par les secousses de la division en leur sein. Le peuple irakien, pauvre oublié et ignoré, n'en est-il pas la parfaite illustration, lui qui en vit les affres et en subit les conséquences tragiques et désolantes ? De fait, le salut a un rapport direct avec la revendication impérative de la séparation de la politique et de la religion et de la lutte contre l'intégrisme sous toutes ses formes. Cela est inexorablement et vitalement une exigence de refondation de l'unité autour du destin commun et des intérêts mutuels. Ce qui a été remarquable à cet égard est la collusion -sûrement inconsciente mais avérée- entre des représentants marocains de la gauche qui devraient être à la pointe de cette revendication et les mouvements intégristes, faisant du coup le jeu de ceux-ci. 4. Le communiqué du Cabinet royal annonçant la décision du Roi de ne pas prendre part aux deux sommets arabes, intervenant quelques heures seulement après un autre communiqué qui annonçait la participation du Maroc aux deux évènements aura été, pour l'histoire, un instant politique majeur. Il l'a été parce qu'il a su trouver la position médiane qu'il fallait par rapport aux divisions interarabes. Il l'a été parce qu'il a prononcé les mots qui reflètent véritablement les sentiments du plus grand nombre des Marocains et sûrement des peuples arabes. Il l'a été parce qu'il a su marier l'audace de la vérité, l'expression de la plainte qui émane du cœur et l'appel passionné à la raison. En procédant à cet exercice très délicat par ailleurs, il ne fait pas de doute qu'il a pour lui de partir du fait que le Maroc n'a de leçon à recevoir de personne sur le sujet. N'est-ce pas le cas quand, par exemple, il a mis un terme à ses relations avec Israël dès 2000 quand Qatar, sans aucune gêne, feint d'adopter un discours de fermeté et appelle à un sommet de soi-disant refus tout en entretenant des relations avec l'entité sioniste, gelées juste à cette occasion? Peut-on oublier d'un autre côté ou feindre d'ignorer le fait que le Maroc souffre dans son intégrité à cause d'un voisin arabe qui cherche par tous les moyens à lui nuire mettant tous ses moyens dans des tentatives répétées de déstabilisation ? Est-il fortuit et innocent que le Venezuela ait choisi ce moment précis pour élever le niveau d'appui et de soutien en faveur des adversaires de notre intégrité territoriale ? Peut-on être si naïf pour ne pas y voir les manœuvres diplomatiques de l'Algérie qui n'a eu ainsi aucune espèce de remords à continuer à manigancer contre nos intérêts alors que les Palestiniens réclamaient la convergence des efforts de tous ; efforts stupidement et sournoisement concentrés à affaiblir l'autre, le frère ? Dans un contexte d'une complexité effarante et d'une texture contendante, notre pays s'est montré solidaire vis-à-vis du peuple palestinien en déployant les efforts qu'il devait faire, populairement, diplomatiquement, politiquement et humainement, sans cautionner l'hypocrisie et la division. • Par Mohamed Chakib Bensouda Secrétaire Général du parti Annahda