Le spectacle politique, offert par les socialistes français, était digne des grandes tragi-comédies du boulevard où les invectives, les insultes et les accusations tenaient lieu de code de conduite. Personne, même parmi les écrivains de scénarios les plus noirs et les oiseaux de mauvais augure les plus acharnés, n'aurait pu imaginer la situation du PS au lendemain de cette tentative ratée de renouveler son leadership. Il est vrai que la difficulté de rassembler était titanesque, que les ambitions des uns et les appétits de pouvoir des autres étaient insatiables, que les haines longtemps recuites et tassées à fleur de peau étaient explosives. Mais le spectacle politique, offert par les socialistes français ce week-end, était digne des grandes tragi-comédies du boulevard où les invectives, les insultes, les accusations mutuelles de tricherie tenaient lieu de code de conduite, avec de temps à autre des cris incrédules de spectateurs qui se demandaient jusqu'à quelle profondeur dans le ridicule cette chute allait descendre. Et l'on découvre un linge de famille sale que la tradition des victoires amples cachait honteusement : Que même chez les socialistes les plus donneurs de leçons démocratiques, on était encore capable de bourrer des urnes, de procéder à des malversations électorales dignes des coins tribaux les plus reculés d'Afrique et des dictatures les plus fermées d'Asie. Cette réalité inédite fut à la Une des touts les journaux. La télévision en amplifiait les effets sur fond de bataille des chiffres et de petites phrases menaçantes trempées dans un acide guerrier des plus dangereux. Tandis que Ségolène Royal et ses lieutenants dénonçaient une victoire volée, Martine Aubry s'enfermait dans un silence d'où ne sortent que des invitations au rassemblement. Toutes les deux semblent avoir remis leur sort aux mains de la «commission de recollement» présidée par l'ancien ministre de l'Intérieur Daniel Vaillant, maire du 18 ème arrondissement de Paris ami de Lionel Jospin et de Bertrand Delanoë. La tenue de cette commission et du Conseil national du PS chargé respectivement de vérifier et de valider les résultats du scrutin et de donner officiellement le nom de la future première secrétaire fut précédée par une demande de Ségolène Royal de recourir à un nouveau vote en s'interrogeant : «Qui a peur du vote des militants? Si certains prétendent avoir gagné cette élection, pourquoi ont-ils peur de retourner devant les militants» Position soutenue par Jean-Pierre Chevènement avec cet argument : «cela se joue vraiment à quelques voix. Cela n'a pas beaucoup de sens de décider que l'une ou l'autre l'a vraiment emportée. (...) Les dirigeants socialistes seraient bien inspirés d'organiser un nouveau vote». Anticipant le rejet d'une telle proposition, le député Pierre Moscovici propose une troisième solution pour sortir de «l'impasse actuelle» : «il faut que du Conseil national de demain sorte une direction collective, resserrée, associant tous les courants et qu'il y ait un travail qui soit fait pendant quelques mois, un travail d'apaisement, de réconciliation, de préparation des élections européennes». En plus des quolibets moqueurs lancés à son encontre par l'UMP le parti de Nicolas Sarkozy, le PS dut subir des coups très durs de la part d'anciens alliés comme Olivier Besancenot porte-parole de la LCR : «C'est un bien triste spectacle pour un bien triste programme. Le PS est en train de démontrer qu'on ne peut plus compter sur lui pour faire figure d'opposition principale à la politique du gouvernement». L'autre coup dur lancé dans les reins des socialistes français leur est venu d'un ancien membre de leur chapelle , l'actuel ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui constate en parlant des déchirements des socialistes : «C'est un événement, quoi qu'on en pense et quoi qu'on veuille, international. Un triste événement, mal perçu, je le sais parce que on m'en a parlé en Afrique par exemple (…) Je souhaite qu'il y ait une gauche de proposition et d'intelligence. Nous en sommes loin. La social-démocratie n'est pas morte et elle est nécessaire». Quelle que soit la décision prise par le conseil national du PS, le divorce semble être consommé entre deux forces, représentées par Martine Aubry et Ségolène Royal et qui n'ont d'autre choix que de cohabiter dans l'amertume et de se séparer dans la douleur.