«Charme des villes portuaires du Maroc» est le titre d'un livre de photographie. Son auteur Melita Vangelatos y a écrit une préface surprenante et a fait de l'émotion le principal moteur de son esthétique. Entrée dans l'univers d'un artiste qui refuse de cacher son affection pour les objets qu'elle photographie. La pourpre extraite d'Essaouira a rendu fou de rage Caligula. Cela s'est passé en l'an 40 av. JC. L'empereur romain avait invité, pour une grande fête à Lyon, tous les hauts dignitaires de l'empire. Le Roi Juba II, qui dirigeait la rive sud de la Méditerranée, a envoyé son fils Ptolémée pour le représenter auprès de Caligula. En constatant l'éclat de la toge du fils de Juba, Caligula a lancé un cri de colère. Ptolémée portait une tunique à la couleur aussi vive que celle de l'empereur. Ce dernier y a senti un affront à sa personne sans égal. Il s'est emparé de l'épée d'un légionnaire et l'a retournée dans les reins de Ptolémée. Le colorant de la toge de l'agonisant était si vif que le sang dont il s'est abondamment vidé n'a pas laissé de trace sur sa tunique. Cet épisode est rapporté par Melita Vangelatos dans la préface de son livre « Le Charme des villes portuaires au Maroc ». En esquissant un aperçu historique de la ville d'Essaouira, elle s'est beaucoup attardée sur l'atelier que le Roi Juba II a fondé dans cette ville, en vue d'extraire la pourpre qui servait à colorer les toges des hauts dignitaires de l'empire romain. L'auteur du livre a également donné un aperçu de l'Histoire du Maroc. Elle a écrit sur le jardin des Hespérides, le palais du roi Antée, Atlas qui a offensé Persée en lui refusant l'hospitalité, le dixième travail d'Hercule qui est à l'origine de la création du Détroit de Gibraltar… Les lecteurs marocains découvriront bien des surprises au sujet d'un Maroc hellénisé dans la préface du livre. Melita Vangelatos est Grecque, et elle a vraisemblablement favorisé les aspects de la mythologie grecque relatifs à l'histoire du Maroc pour rendre ce pays moins étranger à ses compatriotes. Il ne faut pas toutefois créditer Melita Vangelatos de chercher absolument à helléniser les villes marocaines. Elle l'a fait, lorsqu'elle a réussi à découvrir des éléments qui le lui permettent. Autrement, sa présentation d'Essaouira, El Jadida, Casablanca, Agadir, Salé et Rabat, comprend une instruction tout à fait valable pour des personnes qui entendent parler de ces cités pour la première fois. Après la préface, le corps principal du livre qui se constitue de photographies prises dans les villes précitées. L'auteur de ces photos a beaucoup voyagé dans le monde. De nos villes portuaires, elle a rapporté des photographies narratives. Elle a fixé des moments qui portent à la rêverie, et qui sont comme une fenêtre constamment ouverte sur une autre histoire. L'artiste grecque a fait de l'humain une composante tellement essentielle de son art qu'il est difficile de trouver une photo sans une présence humaine. Les hommes et les femmes plongés dans une contemplation ou vaquant à quelque occupation corrigent le titre du livre qui peut prêter à confusion. Il peut en effet laisser croire qu'il s'agira de villes portuaires, ports et non pas de ceux qui les peuplent. Par ailleurs, les contrastes ont été exploités de façon à introduire une ambiance digne d'une scénographie. Les foyers de lumière sont peu nombreux dans les œuvres où l'artiste a privilégié un éclairage tamisé. Cet effet scénographique suggère que le lieu photographié sera le théâtre de quelque chose. Et c'est en raison de cela que l'esprit du spectateur est constamment sollicité pour se projeter dans la tranche de vie qui lui est proposée. D'ailleurs, l'artiste ne fait pas de mystère sur sa démarche : « les ports sont d'habitude associés, dans notre esprit, au commerce, à l'économie, à la technologie. À travers mes photos, j'ai voulu montrer la dimension humaine et affective des villes portuaires ». Derrière l'objectif, l'émotion de cette photographe est manifeste. Les angoisses, les rêveries des personnages, elle les fait siennes. Cette distance qu'elle rompt entièrement, et l'émotion qu'elle accepte ouvertement comme un parti pris esthétique rendent ses photographies poétiques. Et justement, les photographies de Melita Vangelatos nous touchent moins pour des considérations esthétiques qu'en raison de l'œil ému de celle qui les a prises.