Malgré la gravité de la crise, l'humeur des socialistes n'était pas de se ranger derrière un président et un Premier ministre qui ne cessèrent de fustiger leur bilan et de diviser leurs rangs. Il y a des abstentions qui laissent des goûts amers dans les têtes et des conséquences foudroyantes sur les comportements. Celle que vient de vivre la gauche française (socialistes et Verts) à l'Assemblée nationale a de fortes chances de laisser des traces durables et de provoquer des craquements domestiques. Nicolas Sarkozy venait, par le biais de son gouvernement, de soumettre au vote des députés son plan de sauvegarde des banques. La gauche, menée par les socialistes, avait un choix sous forme d'une inévitable triptyque : voter pour, voter contre ou s'abstenir. Voter pour, aurait signifié répondre favorablement aux nombreux appels à l'union nationale lancés par le Premier ministre, François Fillon. Malgré la gravité de la crise, l'humeur des socialistes n'était pas de se ranger derrière un président et un Premier ministre qui ne cessèrent de fustiger leur bilan et de diviser leurs rangs. Voter contre, aurait supposé de se livrer à un travail de pédagogie et d'explication à l'égard des Français dont ils ne maîtrisent actuellement pas les ressorts. Les socialistes et les Verts ont choisi de s'abstenir. Cette posture a eu le don de provoquer l'ire de la droite et l'incrédulité de certaines personnalités de gauche. D'abord la droite avec la réaction violente de l'homme que beaucoup appellent maintenant le «vice-Premier ministre » à cause de son influence grandissante, Jean-François Copé , le patron du groupe parlementaire UMP. L'offensif maire de Meaux avait qualifié la décision des socialistes de «désolante» et «consternante» avant d'enfoncer le clou : «L'abstention, c'est pour moi la négation même de l'engagement politique». L'abstention ne fait pas que des heureux au sein même du Parti socialiste. Le député-maire d'Evry s'est attiré les foudres de ses collègues en faisant ce constat fracassant: «Je regrette que nous n'assumions pas totalement notre responsabilité de parti d'opposition, mais qui doit gouverner. Il manque des hommes d'Etat aujourd'hui au Parti socialiste». Sur un tout autre registre politique, même si elle a toutes la raisons de s'opposer au gouvernement, la maire de Lilles, candidate sérieuse et déterminée au poste de premier secrétaire du PS lors du prochain congrès de Reims, Martine Aubry trouve l'occasion d'enfoncer davantage l'actuelle direction du PS: «Très franchement, c'est un Parti socialiste tel qu'on n'aimerait plus voir (…) Je m'étonne que François Hollande, le premier secrétaire, n'ait pas réuni les responsables du Parti socialiste pour que nous discutions ensemble de la position que nous devions prendre». François Hollande, soumis à une pression médiatique et politique, avait tenté d'expliquer les raisons de cette abstention avec une gymnastique difficile à suivre : «Il n'aurait pas été responsable de notre part de refuser ce plan -nous ne le faisons pas- mais, il est responsable de notre part de dire qu'il faut un volet économique (…) Sauver les banques c'est nécessaire, sauver les Français, c'est mieux». Peut-être sans le vouloir, Nicolas Sarkozy a profité de cette crise pour mettre ses adversaires socialistes en difficultés et accentuer davantage leurs contradictions internes à la veille d'un grand rendez-vous qui doit renouveler leur leadership. A titre personnel, Nicolas Sarkozy n'en tire pas un profit immédiat puisque sa cote de popularité perd quatre points dans le baromètre mensuel BVA-Orange à paraître jeudi dans «L'Express» avec seulement 43% des opinions favorables alors que 54% disent ne pas faire confiance au chef de l'Etat. Nicolas Sarkozy pourra toujours se rassurer en se disant que ce sondage avait été effectué avant trois facteurs essentiels : l'annonce du plan de soutien aux banques censé faire revenir la confiance des marchés et l'optimisme des Français. Les socialistes qui se déchirent sur l'abstention. Et François Bayrou, le patron du MoDem, habitué à le fustiger sur tous les fronts qui lui tresse de surprenantes lauriers. François Bayrou a reconnu que, face à la crise financière mondiale, Nicolas Sarkozy était «présent et engagé».