L'arme du boycott pratiquée par Dalil Boubakeur a déplacé le faisceau de lumière sur un personnage devenu familier de l'Islam de France. Il s'agit du franco-marocain Fouad Alaoui. Le grand meeting qu'organise à partir d'aujourd'hui jeudi jusqu'à la fin de la semaine l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) au Bourget, dans le nord de Paris, aurait pu se limiter à une parade annuelle d'une des plus grandes et plus actives organisations de l'Islam de France. Avec en prime une célébration en grande pompe du vingt-cinquième anniversaire de sa création. Une réunion sans autre enjeu politique que d'organiser le rapprochement entre les filières de cette gigantesque entreprise, avec deux mots d'ordre pertinents et traditionnels : rechercher de nouveaux clients et écouler les produits dérivés d'une industrie de la croyance en plein essor. Le tout en créant l'événement-frisson censé exciter la curiosité de la presse en donnant la parole à des personnages aussi contestés et polémiques que le prêcheur Hassan Iquioussen ou les frères Ramadan, Tariq et Hani, petits fils du fondateur des Frères musulmans Hassan El Banna. Or, la conjoncture sans laquelle se tient ce rassemblement du Bourget est une des plus tendues. Le Conseil français du culte musulman au sein duquel l'UOIF de Fouad Alaoui joue un rôle majeur est en passe de vivre une crise existentielle inédite. De crainte de perdre son fauteuil à la tête du CFCM, l'instance représentative des musulmans de France, le recteur de la mosquée de Paris Dalil Boubakeur décide, dans une sorte de spectaculaire harakiri, de ne pas participer aux prochaines élections du 8 juin destinées à renouveler ses instances dirigeantes. La décision de Dalil Boubakeur oblige l'ensemble des composantes du CFCM à revoir leurs stratégies et leurs alliances et à envisager tous les scénarios. C'est pour cette raison que la prise de parole de Fouad Alaoui sur le sujet est très attendue samedi. Il est vrai que lors de ses premières réactions au début de cette crise , l'UOIF avait tenté d'appeler le recteur de la mosquée de Paris à assumer ses responsabilités dans l'organisation de ce scrutin. Depuis, un silence prudent est de rigueur. Tout le monde semblait attendre les résultats des tractations discrètes sur le sujet que la ministre de l'intérieur, Michelle Alliot Marie, a menées avec les responsables algériens lors de son déplacement à Alger. L'arme du boycott pratiquée par Dalil Boubakeur a involontairement déplacé le faisceau de lumière sur un personnage devenu familier de l'Islam de France. Il s'agit du Franco-marocain Fouad Alaoui. L'homme, ancien étudiant à Bordeaux, docteur en neuropsychologie, s'était distingué dès les années 80 par la création au sein de l'Université de Bordeaux du premier syndicat d'étudiant confessionnel. Son histoire personnelles se confond avec celle de l'UOIF créée en 1983 en Meurthe et Moselle par deux étudiants étrangers, le tunisien Abdallah Ben Mansour et l'irakien Mahmoud Zouheir. Dix ans plus tard, Fouad Alaoui en prend le secrétariat général pour s'imposer comme une de plus incontournable figure de l'islam de France. Lunettes fines, barbe bien taillée sur des joues rondes et inoffensives, Fouad Alaoui est bien loin de l'image radicale et intégriste que charrie l'UOIF à cause de ses sympathies réelles ou supposés avec la mouvance des Frères musulmans. Fouad Alaoui avait su attirer l'attention et même séduire une large frange de la jeunesse des banlieues en formulant un discours lobbyiste à l'américaine. Il semble faire mouche quand il dit que «la population musulmane n'est pas considérée dans le discours politique parce qu'on l'estime insuffisamment structurée pour représenter un enjeu électoral». Fouad Alaoui entretient avec Nicolas Sarkozy une étrange relation faite d'attirance et de répulsion. Leurs premières grandes retrouvailles avaient eu lieu lorsque l'ancien ministre de l'intérieur et du Culte Sarkozy avait lutté contre vents et marées pour l'imposer au sein du CFCM. Il était accusé par l'intelligentsia parisienne laïque de souper avec le diable. Et leur grande rupture avait eu lieu lorsque le candidat Sarkozy avait choisi, dans une stratégie électorale bien motivée, de soutenir le journal satirique «Charlie Hebdo» dans son bras de fer juridique avec l'UOIF après la publication des caricatures danoises du Prophète Sidna Mohammed.