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Celui qui fait parler les morts
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 09 - 01 - 2004

Le professeur Saïd Louahlia, 46 ans, médecin-chef du service de médecine légale au CHU Ibn Rochd à Casablanca est le premier «fouilleur de cadavres au Maroc». Intrusion dans le quotidien, façonné de corps inertes, du plus réputé médecin légiste au Maroc.
Il fouille les cadavres dans un premier temps et lit les polars ensuite. Il est grand et fort, chauve aussi. En dépit de tempes grisonnantes et d'une moustache touffue. Toujours souriant, on ne croirait pas de prime abord que l'homme exerce un métier lugubre. Saïd Louahlia est vivant. Il court à gauche et à droite, au nord du Maroc comme au sud. Il va aux scènes de crime, aux cimetières, aux salles d'autopsie. L'objectif est toujours le même : les cadavres. C'est lui, le professeur Saïd Louahlia, 46 ans, médecin-chef du service médico-légal Ibn Rochd, à Casablanca. Quand il met sa casaque et son calot verts, sa bavette et ses gants blancs, l'homme se compose un autre visage. Son regard devient perçant et fixe le cadavre comme s'il s'apprête à le dévorer. Il le fouille minutieusement, examine sa peau, ses sourcils, ses dents, fouine dans les boyaux, le crâne et va jusqu'au cerveau. Lorsqu'on lui demande le nombre des cadavres qu'il a examinés, il lance un «ouf» non pas de soulagement, mais exprimant un chiffre qui dépasse l'imagination. «Entre 600 et 800 cadavres par an» confie-t-il sur le ton de cette modestie qui vient de l'exercice quotidien. Il ne cesse de divulguer son attachement aux cadavres. Non pas pour eux-mêmes. «Le cadavre n'a pas d'importance en soi», affirme-t-il. Son importance relève des services qu'il rende à la justice et aux droits humains et des preuves qu'ils présentent et qui sont censés culpabiliser ou innocenter un mis en cause.
Comment est-il arrivé la première fois à ce “parent pauvre de la médecine“ comme l'appellent les médecins ? Quand il se remémore ses premiers cadavres auscultés, l'intéressé semble parler d'hier. C'était en 1984, alors médecin interne, en stage au service de réanimation à l'hôpital Ibn Rochd à Casablanca, que date son premier face à face avec la mort. Il veillait sur les malades et traitait les patients, faisait un grand effort pour qu'ils restent en vie. Et pourtant, ils passaient à trépas. C'est impossible, pensait-il. Pourquoi meurent-t-ils après tous les soins ? Une question génère une autre jusqu'à arriver à l'interrogation-clé : quelles sont les causes de la mort ? Mais la réponse est difficile. L'homme de science ne recourt qu'à la science. Le Professeur Louahlia commence à effectuer une biopsie post-mortem sur les cadavres. Autrement dit, il fait des prélèvements sur les cadavres. «Je prélève une partie du rein ou du foie pour faire des analyses au laboratoire de pathologie», affirme-t-il. Seulement, il n'arrive pas à avoir une réponse exacte à son interrogation existentielle.
Peu à peu, il a pris goût au colloque muet avec les corps inertes. Il a décidé de faire une spécialité en pathologie en France qui permet au médecin d'examiner le tissu du corps humain au microscope. «Elle est la base de la médecine légale…C'est une belle spécialité qui ouvre des horizons et qui permet de comprendre la mort et ses causes grâce au microscope» dit-il. Quatre ans plus tard, il est revenu à la mère- patrie, avec un diplôme en main. Commence alors une aventure. «Aventure, explique-t-il, car c'est comme si on jetait quelqu'un au milieu du désert et qu'on lui demande de trouver son chemin». Il n'y avait pas d'organisation et pas de texte et encore moins d'infrastructure pour la médecine légale.
En 1991, Pr. Louahlia prend les choses en main. À l'université, il met en place une stratégie d'attaque fondée sur trois bases : la formation, la sensibilisation et la médiatisation. À l'hôpital, il fonde un service médico-légal. À l'Institut national d'études judiciaire à Rabat et à l'Académie royale de police à Kénitra, il commence à enseigner la médecine légale aux magistrats, aux officiers et inspecteurs de police. «Implanter une culture médico-légale qui n'existait pas au Maroc», était sa grande préoccupation. Entre temps, il a suivi des formations au FBI aux Etats-Unis, a accumulé une dizaine de certificats et diplômes, a participé à plusieurs congrès et conférences au Maroc et ailleurs, a organisé, en novembre 1996 à Casablanca, les 12e Journées internationales méditerranéennes de médecine légale et le 1er congrès de l'Académie méditerranéenne des sciences légales en octobre 2003 à Marrakech…etc.
Vendredi 16 mai est une date marquante pour tous les Marocains. Un homme a été plus actif que les autres : Pr. Louahlia. Dès les premières heures des attentats qui ont secoué Casablanca, il était à la salle d'autopsie, accueillant les cadavres par dizaines, les examinant un par un afin d'arriver avec son équipe à identifier les victimes et les kamikazes. «Le 16 mai n'était pas pénible comme travail et comme gestion…Je n'ai pas eu de problème avec mon équipe». En revanche, il a été gêné par l'absence de moyens de travail. «Nous pouvions faire mieux». Certes, au cours de ce vendredi sanglant à Casablanca, le Pr. Louahlia a laissé de côté son habitude quotidienne : la lecture. Chaque soir, cet ami de feu Mohamed Zefzaf et d'autres écrivains marocains ne ferme pas les yeux sans avoir lu une partie d'un recueil de poèmes, d'une nouvelle ou d'un roman, surtout les polars. Il est passionné de la lecture depuis son adolescence. Il a dévoré les romans en arabe de Najib Mahfouz, Abbès Mahmoud Al Âkkad, Mustapha Lotfi Manfalouti, des nouvelles de Youssef Idriss, de Mohamed Zefzaf, Mohamed Choukri, Miloudi Hamdouchi, des poésies arabes classiques. «Depuis une dizaine d'années, j'ai tendance à ne lire que les romans policiers anglo-saxons». Pr. Louahlia ne ménage aucun effort pour ne pas abandonner son habitude quotidienne, car pour lui, «la littérature est indissociable de la science».


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