La seconde réflexion touche au rapport à l'école. Avoir une école performante à sa disposition ne dispense pas pour autant de l'effort. Avant-hier, j'ai fait la rentrée des classes françaises. J'ai accompagné ma fille toute stressée qu'elle était par sa première entrée au collège. Dans le préau, le directeur et son adjoint, tout aussi stressés, ont accueilli parents et enfants. Après une présentation pédagogique sur le fonctionnement, les enfants appelés, chacun par son nom, rejoignirent leurs classes, accompagnés de leur prof principal. En quittant, je me suis interrogé sur cette école française qui fait souvent objet de débat politique. Ce gros morceau du budget de l'Etat, avec ses 1,1 million de fonctionnaires, est comme en chantier permanent. Tant de ministres se sont brisés les reins sur ce que l'un d'eux avait piteusement qualifié de «Mammouth à dégraisser». Pourtant et malgré des disparités certaines, cette école demeure un lieu de performance et une fabrique d'élites et d'excellence, Décriée parfois ici; elle reste tant enviée au Liban, en Tunisie ou au Maroc où les élites de ces pays tentent, coûte que coûte, d'y inscrirent leurs enfants. Au Maroc, le cas le plus parlant (schizophrène) reste celui d'Allal Al Fassi qui, partisan résolu et obtus de l'arabisation de l'école marocaine, source de dysfonctionnement, prenait tout de même le soin d'inscrire ses propres enfants dans l'école française. La seconde réflexion touche au rapport à l'école. Avoir une école performante à sa disposition ne dispense pas pour autant de l'effort. Pour preuve, la situation de l'immigration face à l'école française. Bien que l'égalité de l'accès soit assurée à tous, le taux d'échec scolaire, dans les rangs de l'immigration, reste trop élevé. Certes, cette réalité met en branle plusieurs variables explicatives. Il reste cependant incompréhensible qu'un grand nombre de jeunes issus de l'immigration ne saisissent pas l'école comme l'indispensable moyen de promotion et de mobilité sociale. Enfin, j'étais frappé par le surnombre de filles dans la classe de la mienne. Imprégné par la toute récente lecture du livre d'Emmanuel Todd, je me suis dit que c'est là que réside la clé de la modernité : L'instruction des femmes. Todd est un bousculeur des évidences. C'est un fouineur de la pensée à rebrousse-poil. Un adepte du contre-pied au service de la prospective. Il frise parfois la prophétie. N'avait-il pas, alors jeune chercheur, prédit la chute de l'empire soviétique, alors inconcevable à l'époque. Il privilégie les projections qui l'éloignent des sentiers du prêt à penser. Cet esprit d'audace nous a livré «Le rendez-vous des civilisations», un livre pied de nez à Huntington, inventeur du clash. La démonstration, complexe dans son élaboration aboutit à une idée simple. Selon Todd et son co-auteur, le monde arabe, et plus largement le monde musulman, connaît deux profondes transformations simultanées: un taux de fécondité en baisse et un taux d'alphabétisation en augmentation qui donnent au croisement des deux courbes une force irrésistible qui pousse à la «modernité». Si c'est vrai, alors le véritable défi de la transition démocratique passe par la transition démographique. Avec comme priorité l'éducation des femmes. ( 1) - Emmanuel Todd et Youssef Courbage « Le rendez-vous des civilisations ». Seuil