La place Al Kamra est constamment investie par des «Hannayat», femmes préposées à l'art du henné qui gagnent leur vie en exerçant ce métier. Mardi 1er avril n'est pas jour férié pour Naïma et Khadija. Sous les rayons d'un radieux soleil printanier, ces deux «Hannayat» se sont installées, depuis 11 heures du matin, sur la place Abdellah Guenoune en face de la célèbre Tour Al Kamra. Concentrées et appliquées, elles sont en train de tatouer au henné des scorpions sur les bras de deux jeunes hommes espagnols. «La période de vache maigre qui dure tout l'hiver, nous impose un chômage technique assez dur à supporter», explique Naïma, mariée et mère de deux petites filles âgées respectivement de deux et huit ans. Cette Oujdie de 29 ans a dû quitter sa ville natale après son mariage pour venir vivre avec son mari, qui travaille à la municipalité d'Asilah. «Dans mon enfance, j'étais une passionnée de dessin et je reproduisais tout ce que je voyais sur mes cahiers et les murs de mon ancien quartier. J'ai découvert ensuite un amour pour le henné et je suis devenue, au fil des temps, la préposée de l'art du henné pour ma famille et mes amies», confie t-elle.Naïma a commencé, depuis deux ans, à monnayer ses services aux gens qui fréquentent la place Abdellah Guenoune, plus connue sous le nom de place Al Kamra. Cette jeune femme à la voix douce et au sourire enfantin, précise qu'elle a commencé à exercer son art du henné sur la place Al Kamra «grâce à une femme rencontrée dans un autocar». «Je rentrais d'un voyage de quelques jours à Oujda, poursuit-elle, lorsque j'ai rencontré cette femme qui habitait Fès et venait travailler comme tatoueuse au henné à la place Al Kamra et qui m'a vraiement encouragé à pratiquer la même activité qu'elle». C'est ainsi qu'elle a commencé a exercer ce métier. «Comme c'était l'été et les grandes vacances, ajoute-t-elle, je gagnais beaucoup d'argent ce qui me permettait d'arrondir la fin du mois». Sa collègue Khadija, mariée et mère d'une fille de 17 ans, ne vient à Asilah que pendant les week-ends et la période estivale. «C'est les périodes fertiles et juteuses pour notre commerce», précise-t-elle tout en continuant, avec habilité, ses dessins au henné sur le bras de son client espagnol. Khadija est la seule source de revenu pour toute sa famille, composée de son époux en chômage, sa belle mère et sa fille. Elle a l'habitude de venir à la place d'Al Kamra chaque week-end. «Je loue une chambre pendant l'été à 1000 dirhams par mois, j'y habite en compagnie de ma famille. Pendant la période estivale, je gagne quotidiennement entre 200 à 350 dirhams et je peux, les jours de grande affluence, atteindre les 600 dirhams», lance-t-elle avec fierté. Beaucoup de jeunes filles et de femmes sont dans le cas de Khadija et viennent d'autres villes à la place Al Kamra pour exercer le métier de «Hannayat». Naïma et Khadija utilisent des seringues spéciales, achetées dans des pharmacies, pour faire leurs dessins au henné. «Nous préparons le henné en le mélangeant uniquement avec de l'eau chaude et nous rajoutons un peu de diluant suivant le choix des clientes». Elles précisent qu'il y a deux sortes de henné, le rouge et le noir, et les clients optent généralement pour la deuxième catégorie. Les deux amies font observer que les Espagnols viennent en tête de leurs clients étrangers. Elles déplorent toutefois les comportements de certains «Chamkaras» (drogués) qui fréquentent cette place et qui viennent les déranger pendant le travail tout en harcelant leurs clients. Ces deux sympathiques jeunes femmes jouent parfois au chat et à la souris avec la police et affirment, avec sincérité, qu'elles font partie, à leur manière, du «secteur touristique» de la ville.