Fès. Le Khliâ, en dépit des conseils de certains spécialistes de la diététique, fait partie de la table traditionnelle marocaine. Ses amateurs sont nombreux et affirment que cette viande séchée fait partie de l'art culinaire marocain. En arpentant le chemin du Rcif jusqu'à Bab Sensla dans les méandres de la médina de Fès, on est agréablement accueilli par un subtil mélange de senteurs et de couleurs qui enivre les sens. Dans le dédale des ruelles, on est vite séduit par les étals bien achalandés des petites boutiques des marchands de pâtisserie traditionnelle, d'encens, d'eau de fleurs d'oranger ou de rose ainsi que de Khliâ, cette viande salée, séchée et cuite dans de la graisse et dont la tradition est séculaire. Dans sa boutique au décor raffiné, Hatim Zine évolue avec aisance et accueille avec affabilité ses clients qui viennent régulièrement s'approvisionner chez lui. Sa spécialité est le Khliâ, bien qu'il vende aussi de la pâtisserie traditionnelle. Sa réputation, il la doit à son Khliâ dont raffolent les fassis en faisant semblant d'oublier le cholestérol. Pour lui, ce métier est un héritage précieux. Ce jeune homme qui a fait des études aux Etats-Unis, a préféré retourner aux sources et exercé un métier dont les ficelles lui ont été enseignées par son père et son grand-père. « Nous étions très peu nombreux à faire cette spécialité. Il y avait juste mon grand-père et un autre commerçant à Fès », confie-t-il. Très décontracté et toujours le sourire accroché aux lèvres, il précise que, par les temps qui courent, plusieurs commerçants se sont adonnés à cette spécialité. «Certains marchands de fruits et légumes ou tout simplement des couturiers pour tenues traditionnelles, dit-il, se sont convertis dans ce commerce». «Préparer le Khliâ n'est pas donné à tout le monde car c'est un métier qui exige un savoir-faire qui se transmet de père en fils», indique Hatim Zine qui rappelle que dans le passé et «une fois par an, surtout en été, les familles à Fès préparaient leur Khliâ». Selon ses moyens, on achetait un bœuf, un mouton et dans les familles nanties, un dromadaire dont la viande était destinée au Khliâ. «Le jour de la préparation du Khliâ était jour de fête pour les familles et surtout pour les enfants qui adorent l'ambiance festive et conviviale qui accompagne cet événement annuel», indique ce jeune commerçant. Un chevillard et ses aides immolaient la bête, la dépeçaient et la débitaient avant de la remettre aux femmes pour la préparer avec un mélange précis d'épices. La première étape consiste à faire mariner la viande découpée en lanières dans une préparation à base d'ail mixé, de vinaigre, coriandre en grains bien moulu, et du sel. On laisse reposer la viande toute une nuit et le lendemain, on l'expose au soleil pour la faire sécher. La durée de ce saumurage ou séchage varie selon la saison. «En général on abat des bœufs ou des vaches bien gras, en bonne santé et pesant environ 300 kg», précise le jeune commerçant en ajoutant que «c'est justement ces critères du choix de la bonne bête qui font la différence entre le khliâ de bonne qualité et celui de qualité inférieure qui se vend bon marché». «Une bonne marinade et une préparation judicieuse des épices nécessaires, font aussi la différence», tranche-t-il en véritable connaisseur.