En adoptant cette attitude de démystification du candidat Sarkozy, de dénonciation de ses travers les plus dangereux, François Bayrou est déjà en train d'aider Ségolène Royal. Peurs sur la présidentielle. Au lendemain du premier tour, des informations en provenance d'Espagne, le quotidien El Pais et une radio privée citant un rapport des services secrets espagnols rédigé après le 11 avril sur les activités d'Al Qaida au Maghreb, font état de la possibilité d'attentats en Espagne, lors des élections locales du 27 mai et en France avant le second tour. Même si le contexte et les enjeux sont radicalement différents, cette information, qui fait froid dans le dos, remet en mémoire le triste et sanglant exemple espagnol où la gestion de la terreur avait fait pencher la balance du socialiste Zapatero par l'élimination de son concurrent conservateur Aznar. Même si elle a été méticuleusement scrutée par les services de sécurité, l'information ne trouva pas un grand écho dans les médias français qui, pour les plus bavards d'entre eux, se contentèrent de reproduire les dépêches d'agences. Et presque aucun acteur de la vie politique ne se hasarda à les commenter. Il n'y eut ni panique ni hystérie. Deux raisons expliquent cette apparente nonchalance : la première est que la France n'a jamais baissé la garde dans sa lutte contre la terreur et que son plan Vigipirate s'est installé dans le rouge depuis des années. La seconde est que contrairement à la sécurité dans les banlieues, la «sécurité» tout court, produit de la mondialisation de la terreur, n'est pas un enjeu électoral. L'exploitation des peurs, à l'américaine, n'a pas encore pénétré la culture politique française. Le traitement est donc discret, sans tapage, sans instrumentalisation électorale. «Le Parti démocrate». C'est dans ce contexte que le centriste François Bayrou vient de faire part de sa volonté de créer le «Parti démocrate». S'il ne change pas les initiales de son nouveau parti, François Bayrou est assuré de provoquer l'hilarité générale à chaque apparition, sans compter les nombreuses oreilles puritaines qui vont siffler d'embarras. François Bayrou était dans une forme olympique lors de sa conférence de presse de mercredi. A la manière d'un centriste savonneux, il n'a pas dit explicitement pour qui il allait voter, mais il a dit, avec un art consommé du sous-entendu, truffé de litotes et de lapalissades, pour qui il ne va pas voter. Et voilà Nicolas Sarkozy, le favori des sondages de cette élection, qui subit les charges les plus violentes, les critiques les plus acerbes de sa carrière politique. Le voilà comparé, honte suprême pour les Français, à l'homme politique italien fantasque Sylvio Berlusconi. Le voilà mortellement dénoncé pour «son goût de l'intimidation et de la menace», accusé d'«aggraver les problèmes de la démocratie et la fracture du tissu social». En adoptant cette attitude de démystification du candidat Sarkozy, de dénonciation de ses travers les plus dangereux, François Bayrou est déjà en train d'aider Ségolène Royal. Il est en train de lui «attendrir la viande» avant le déterminant débat télévisé du 2 mai prochain. Les caricatures et Ségolène. Pendant ce temps Ségolène Royal cherche à se transcender. La candidate au second tour tend à perfectionner sa démarche gauche, hésitante d'une timide par nature propulsée soudain sous les feux de la rampe, à corriger son élocution hachée qui fait le bonheur des imitateurs et les choux gras de ses détracteurs. Elle continue de promener sur les écrans de télévision son sourire éclatant, un regard clair, pétillant de la joie d'être là, avec la ferme conviction d'être porteuse d'une destinée. La presse internationale, notamment américaine, généralement très dure avec Ségolène Royal et l'excessif interventionnisme de l'Etat qu'elle préconise dans son programme, est littéralement sous le charme de son port altier. Des articles généralement sérieux ne peuvent s'empêcher de se laisser aller à quelques réflexions de midinettes, à quelques badinages de vestiaires, sur la parfaite illustration du chic et de l'élégance française qu'elle véhicule. Ségolène Royal, la nouvelle icône gauloise, est un défi vivant pour les caricaturistes : elle apparaît belle même sous les traits les plus forcés , les coups de pinceau les plus ravageurs… Contre cet atout naturel, Nicolas Sarkozy est impuissant et définitivement désarmé…