Des camionneurs dorment au volant, des chauffeurs de cars font des allers-retours Casa-Agadir sans prendre une petite heure de repos, des jeunes conduisent une bière à la main, l'excès de vitesse est la règle. Depuis plusieurs semaines, le ministère des Transports est face à un véritable soulèvement de la part des transporteurs et des chauffards. L'objet de l'ire de la profession n'est autre que le projet de loi sur le code de la route qui durcit les sanctions. La malédiction des routes marocaines, une moyenne de 10 morts par jour, mérite pourtant un arsenal juridique adéquat. A la fin des années 70, l'Espagne confrontée au même problème, avait eu recours à des pénalités très fortes et à des peines privatives de liberté pour les cas les plus graves. Aujourd'hui, les routes espagnoles ne sont plus des champs de bataille, même les Marocains qui les empruntent respectent le code de la route sans la présence des gendarmes. Nos routiers eux, trouvent que c'est trop cher, trop répressif. Nous sommes donc face à une corporation qui annonce qu'elle n'entend pas respecter la loi, c'est-à-dire le code de la route, car les sanctions ne sont applicables qu'en cas de violation de la règle de droit. Une telle attitude dans une société vertébrée, vaudrait à la corporation la réprobation de l'ensemble des citoyens. Pas chez nous où les justifications vont bon train. L'état des routes, la corruption, les abus, tout et rien est mis en avant pour refuser ce que le simple bon sens impose. Karim Ghellab, le ministre des Transports, n'est pas un fin négociateur et toutes ses réformettes ont mis le feu à la poudrière. Sur ce coup là, il mérite l'appui de l'ensemble des citoyens. Le comportement criminel des chauffards sur nos routes est permanent. Des camionneurs dorment au volant, des chauffeurs de cars font des allers-retours Casa-Agadir sans prendre une petite heure de repos, des jeunes conduisent une bière à la main, l'excès de vitesse est la règle. Nos routes sont des zones de non-droit. C'est cela le véritable abus ! Les montants proposés pour les amendes sont élevés, très élevés, ils n'en seront que plus dissuasifs. Le flic ou le gendarme ripou ne se contentera plus d'un petit billet et dès lors même la corruption sera… dissuasive. Car au fond, ce projet n'est pas répressif, il est préventif. Les chauffeurs de poids lourd sauront désormais que la moindre incartade leur coûtera le revenu d'un mois de travail, si cela ne les calme pas, c'est qu'il faut les interner. Au-delà des transporteurs et de leur position indigne, il faut réfléchir sur le rapport de la société à la loi. Celle-ci est toujours mal perçue, pire elle est «subie» comme une injustice. Le cas des transporteurs est le plus flagrant parce qu'ils affichent leur volonté de violer la loi et refusent que les sanctions soient sévères. Mais collectivement, nous sommes enclins à rejeter l'encadrement légal. L'incivisme régnant part de là. Tant qu'à faire, je suggererai à M. Ghellab d'ajouter quelques lignes pour les piétons qui désertent les trottoirs et prennent d'assaut les chaussées, quand ils ne traversent pas l'autoroute. Seulement, il faudra que les commerces libèrent les trottoirs, ce qui est une autre affaire. Ceux qui défendent les routiers, ou déclarent vaines les tentatives d'imposer le respect du code font de l'apologie de l'incivisme. Cet incivisme-là est coûteux, près de 4000 morts par an, des milliards envolés, des familles brisées. Des sanctions sévères réussiront peut-être, là où des spots télévisés n'ont pas eu d'effet depuis plus de 30 ans. Cela a fonctionné ailleurs, il n'y a pas de raison que cela ne fonctionne pas ici, parce qu'il n'y a pas de «spécificité» dans ce domaine.