Youssef, cinq ans, a été soi-disant enlevé par des islamistes. Ils réclament à son père une rançon de quarante mille dirhams. En fait, c'est une histoire inventée par un père hypocrite et cupide. Samedi 3 novembre. Quin-ze jours avant le mois de ramadan. À la mosquée de la résidence Zerktouni, quartier Hay Mohammadi, Casablanca. Les fidèles viennent de terminer la prière d'Al-Ichaâ. L'Imam, l'adoul Mustapha, les exhorte: -Le fils de notre frère, Abderrahim, a été enlevé, hier, par des membres d'Al Adl Wal Ihssane, je ne sais pas pourquoi. Ils demandent, en contrepartie de sa libération, une rançon de quarante mille dirhams. On doit le soutenir et l'aider en collectant la somme réclamée. Que Dieu vous aide. Ils connaissent tous Abderrahim qui est un homme pieux qui ne rate aucune des cinq prières à la mosquée, qui jeûne hors ramadan, chaque lundi et jeudi et qui exorcise les possédés. Omar, le commerçant le plus généreux, lui verse dix mille dirhams, d'autres fidèles lui remettent qui vingt, cinquante ou cent dirhams. Sa voisine Saîda lui prête vingt mille dirhams. Dimanche 4 novembre. Avant la prière d'Al-Ichaâ, Abderrahim, vingt-huit ans, barbu, sans moustache, prend un taxi depuis son domicile au bloc Riad, quartier Hay Mohammadi, Casablanca, arrive au siège de la police judiciaire de la préfecture de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ, angoissé, il tremble, pleure, gémit. Le chef de la deuxième brigade criminelle tente de le calmer. En vain. "Mon fils Youssef, cinq ans, a été enlevé. Que dois-je faire chef ?" Le chef de la brigade consigne des notes sur son calepin en l'écoutant attentivement. Un inspecteur se met devant sa machine à écrire pour rédiger un PV officiel. Abderrahim sanglote. Le chef essaie de le calmer. Ses limiers commencent les investigations. Au même moment, l'Imam de la mosquée de la résidence Zerktouni vient d'achever son prêche hebdomadaire sur les hadiths du Prophète et le commentaire du Coran, fait un rappel aux fidèles pour aider leur frère Abderrahim. L'un des fidèles, Brahim, surpris, prend l'Imam à l'écart : -Youssef est chez moi à Bouskoura, depuis vendredi…Son père me l'a confié parce qu'il était en voyage comme il m'a dit. -C'est bizarre, il nous a dit qu'il a été enlevé par une bande d'islamistes qui lui demande une rançon pour le libérer. Énervé, Brahim ramène Youssef chez son père. Les enquêteurs qui surveillaient le secteur se rendent compte de la réapparition de l'enfant, avisent le procureur général près la Cour d'Appel de Casablanca et font irruption au domicile. Le père est surpris : -Les kidnappeurs m'ont intimé de ne pas aviser la police après avoir reçu les quarante mille dirhams près du 43ème arrondissement urbain de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ. J'ai peur qu'ils tuent mon fils. Abderrahim est conduit avec son enfant et sa femme au siège de la police. Les enquêteurs isolent le fils et sa mère dans un bureau et laissent le père dans une autre pièce. "J'étais chez Brahim à Bouskoura" annonce le fils. Un aveu innocent qui a obligé le père de se mettre à table : "J'ai inventé cette histoire pour avoir de l'argent," reconnut-il. Le chef de la brigade se tourne vers la mère et l'interroge. Elle répond :"je rends seulement visite de temps en temps à mon fils, car on est divorcé pour la troisième fois. Il profite toujours de la bonté et de la piété des gens, il prétendait aux fidèles que j'étais cancéreuse pour collecter de l'argent". Que prétendra-t-il devant les justices: divine et humaine ?