La Cour suprême a cassé mercredi le jugement de deux théoriciens de la mouvance Salafiya Jihadia, Abdelwahab Rafiki et Hassan Kettani, condamnés pour incitation au terrorisme. Leurs dossiers seront réexaminés par la Cour d'appel de Casablanca. La Cour suprême a décidé de renvoyer les dossiers de Abdelwahab Rafiki et Hassan Kettani, qui avaient été condamnés en septembre 2003 respectivement à trente et vingt ans de prison, pour réexamen devant la Chambre criminelle (deuxième degré) statuant en dernier ressort au sein de la Cour d'appel de Casablanca. Lors de leur procès, le procureur avait affirmé que ces deux chioukh de la Salafiya Jihadiya «même s'ils n'ont pas agi sur le terrain, sont les cerveaux de la cellule des kamikazes qui ont perpétré les attaques-suicide» de Casablanca. La Cour suprême avait cassé, le 27 décembre 2006, le jugement prononcé en 2003 contre Ahmed Rafiki - père d'Abdelwahab - qui avait été condamné à cinq ans de prison pour « non-dénonciation » d'activités liées à des projets terroristes. La cour avait alors décidé la tenue d'un nouveau procès. «J'attends la possibilité de voir mon client jugé dans des conditions plus sereines», précise, dans une déclaration à ALM, Me. Mohammed Ziane bâtonnier à Rabat et avocat des deux accusés. Me. Ziane fait observer que «les témoins n'ont pas été entendus contradictoirement par la Cour lors du procès». Abdelwahab Rafiki, alias Abou Hafs, condamné à trente de prison ferme, en relation avec les sanglants attentats de Casablanca est de la trempe des salafistes wahhabites purs et durs dont le parcours a été forgé par un concours de circonstances. Fils du célèbre Ahmed Rafiki, aide-soignant et «père spirituel» des Afghans marocains, Abou Hafs, fait partie des premières fournées d'islamistes marocains qui ont choisi le Jihad pour chasser d'Afghanistan les mécréants rouges de l'ex-Union soviétique. De retour au bercail, Abou Hafs a perfectionné ses connaissances en théologie tout en restant fidèle à la ligne radicale qui l'a bercé dès son jeune âge. Bon orateur, il commença à hanter plusieurs mosquées de la capitale spirituelle où il faisait le plein de fidèles. On venait nombreux écouter ses incendiaires prêches du vendredi qui dérangeaient et rassemblaient à la fois. Du haut de son « Minbar », il stigmatisait les Etats-Unis et leur suppôt sioniste et tirait à boulets rouges sur les régimes arabes «traîtres » qui, entre autres, refusaient d'ouvrir leurs frontières aux moujahidines désireux de voler au secours des «frères musulmans» dans les quatre coins du monde. Arrêté en mars 2002, ce cheikh de la Salafiya, adorateur de Ben Laden qui incarne, selon lui l'exemple type du bon musulman, sera condamné en mai de la même année à six mois de prison ferme dont il ne purgera même pas la moitié. Gracié et sur-médiatisé par une certaine presse, il reprendra sa croisade contre les autorités et les «mécréants» et même les autres mouvements islamistes n'échappent pas à ses sarcasmes. Membre actif de plusieurs collectifs islamiques au Maroc et à l'étranger, Hassan Kettani a, quant à lui, écopé de vingt ans de prison pour ses accointances avec les terroristes qui, sans scrupule aucun, avaient ensanglanté Casablanca et endeuillé le Maroc. Cet autre théoricien de la Salafiya Jihadiya est le descendant d'une lignée de religieux, dont certains, malheureusement, sont des plus contestés de l'histoire du Royaume. Célèbre pour ses prêches au vitriol et ses coups de gueule ravageurs, il «mettait le feu» particulièrement à Salé et sa banlieue. Lui qui a toujours clamé son opposition à toute forme de violence, n'a pas hésité pourtant à prendre part, en sa qualité de prédicateur, à des camps d'entraînement d'éléments intégristes dans la forêt de la Maâmora. Hassan Kettani qui a toujours rêvé de devenir une référence religieuse, a été déjà cité dans l'affaire de la cellule dormante de trois Saoudiens où il aurait joué un rôle dans le « camouflage» des preuves accablant ces derniers. Derrière les barreaux de sa cellule, il continue à camper crânement sur ses positions et saute sur n'importe quel prétexte, pour tirer habilement les ficelles des grèves de la faim observées par les détenus islamistes, sans souvent y prendre part.