Le Polisario, en déconfiture, ne peut prétendre représenter les Sahraouis. L'affirmation est de Daifallah Yahdih, le «philosophe de la révolution», qui a regagné dernièrement le Maroc. ALM : Quelle évaluation faites-vous de la situation actuelle à Tindouf ? Daifallah Yahdih : La situation dans les camps est catastrophique. Le Polisario, en déconfiture, continue de creuser sa tombe. D'ailleurs, ce n'est pas une situation nouvelle. Cette déconfiture a commencé, il y a longtemps, depuis le cessez-le-feu de 1991 avec des milliers de personnes qui sont parties vivre en France, en Espagne et en Mauritanie notamment. Mon analyse personnelle est que, depuis la réunion de Marrakech en 1989 entre Feu Sa Majesté le Roi Hassan II et des responsables du Polisario, plusieurs leaders de cette entité avaient été convaincus de la nécessité de mettre fin au complot qui a été fomenté en Algérie contre le Maroc. Sauf qu'une partie de ces responsables, de retour au Maroc, a fini par constituer une sorte de lobby qui préfère se terrer dans les villas de Rabat au lieu d'aller sur le terrain, à la rencontre des populations. Je refuse d'ailleurs que ces gens-là puissent décider du sort de centaines de milliers de Sahraouis. Pour en revenir aux camps de Tindouf, les gens ont fini par s'installer dans le système "D" pour survivre et rien d'autre ne les intéresse sauf la garantie d'un minimum de vie digne. Le Polisario, lui, a perdu toute maîtrise puisque ses responsables, eux-mêmes, sont arrivés à s'assurer un quotidien plus que confortable. C'est le règne de la mentalité du "chacun pour soi". Récemment, l'intellectuel espagnol, Bernabé Lopez Garcia, a affirmé que le Polisario ne saurait prétendre à représenter tous les Sahraouis. Qu'en pensez-vous ? Idéologiquement, les Sahraouis présentent de profondes divergences. Le Polisario ne représente personne, mais le CORCAS aussi. Nous ne voulons ni de Mohamed Abdelaziz, ni de Khelli-Henna Ould Errachid. Si le gouvernement veut déboucher sur une solution à ce conflit, il doit éloigner les intermédiaires. Mais ne faut-il pas un cadre pour régler le conflit ? Les cadres auxquels vous faites référence ont montré leurs limites. On a bien tenté l'expérience avec les Chioukhs, mais cela avait débouché sur les mêmes mauvais résultats que ceux obtenus auparavant par l'Espagne. Il faut dépasser les courses pour les postes et le pouvoir. Je considère que la seule solution consiste à des négociations directes avec les citoyens à Laâyoune, Boujdour et Smara. Il faut trouver une méthode administrative pour résoudre les problèmes sociaux des populations et neutraliser tous ceux qui prétendent être les porte-voix de ces dernières. Et qu'en est-il alors pour le conflit, sur le fond ? Pour moi, il n'existe pas de conflit. Tout ce qu'il y a, ce sont des problèmes sociaux réels. Je le redis encore une fois : il faut résoudre les problèmes sociaux des populations et mettre fin à l'emprise des prétendus porte-parole des Sahraouis aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Pour moi, la cause sahraouie est une chimère. Sahraoui, je ne représente que moi-même et mes problèmes doivent trouver une solution sans l'intervention ni du Polisario ni du CORCAS. Sinon, que pensez-vous de l'offre marocaine d'autonomie ? Ce n'est pas la meilleure solution pour résoudre le conflit autour de l'intégrité territoriale du Maroc. La meilleure issue est que Sa Majesté le Roi Mohammed VI donne ses directives pour que nous puissions tous participer à résoudre les problèmes, à travers la décentralisation – et non la régionalisation – et contribuer au processus démocratique. Cela ne se réalisera pas, de toutes les manières, avec un Khelli-Henna Ould Errachid. Nous avons besoin des hommes qu'il faut à la place qu'il faut pour un Maroc qui promet beaucoup. Il ne faut plus que 10 % des Marocains seulement continuent à s'emparer des rênes du pays au détriment des pauvres qui constituent la majorité. Il nous faut une révolution sociale sous la direction de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Le choix de l'autonomie est aussi un choix du Souverain. N'est-ce pas là une bonne garantie pour vous ? Mais les gens à qui avait été confiée cette mission ne sont pas capables de la mener à bien. Sinon, comment expliquer que le président du Corcas n'ose plus remettre les pieds à Laâyoune. Il n'a pas honoré la moindre des promesses qu'il a formulées auparavant. Pour vous qui avez vécu à Tindouf, quelle est la responsabilité de l'Algérie dans tout le conflit ? L'Algérie, pour moi, est responsable d'un crime historique. Dans notre culture sahraouie, est considéré comme criminel celui qui interfère dans les affaires familiales, entre parents et fils, pour semer la zizanie. Le premier jour, quand des Sahraouis sont allés voir du côté de l'Algérie, il leur avait été signifié qu'ils ne pouvaient compter sur une quelconque aide, qu'on ne pouvait s'immiscer dans des affaires de familles. Le conflit s'enlise parce qu'il a pour bases des aspirations non fondées et, entre autres, la volonté de l'Algérie d'avoir une issue sur l'océan Atlantique. Il faut dire aussi que les Algériens n'ont jamais oublié la Guerre des sables et rêvent toujours d'une revanche. C'est une sorte de maladie généralisée et un virus transmis à toutes les générations algériennes.
Pour en revenir au Polisario, qu'en est-il des dissensions au sein de sa direction ? C'est une direction qui a subi de cuisants échecs. Elle a perdu tout contrôle de la situation dès 1991. Actuellement, tout est fini et, pour moi, il n'y a plus de direction. Ce qu'on a actuellement, c'est une bande de voleurs qui ont profité de conditions inespérées pour s'enrichir sur le dos des populations d'innocents et avec l'appui et le soutien de l'Algérie. Ceux parmi les cadres moyens qui sont toujours à Tindouf n'attendent que l'occasion propice pour rejoindre le Maroc. Le Polisario, dans peu de temps, deviendra de l'histoire ancienne. Que peut-on d'ailleurs espérer d'une direction qui est au pouvoir depuis plus de 30 ans ? Que pensez-vous de ceux qu'on appelle communément les "séparatistes de l'intérieur" ? Ce sont des gens qui cherchent le pouvoir ou la richesse, sinon les deux. Une fois leur but atteint, on n'entend plus parler d'eux. Ils s'éclipsent pour mener une vie confortable. Généralement, pour atteindre cet objectif, ils surfent sur la vague de revendications sociales. Je le répète encore une fois, il n'y a pas de cause sahraouie, on a seulement des revendications à caractère social. Et Tamek et Aminatou Haïdar ? Ce sont des gens qui ne représentent rien, mais qui ont été mis au-devant de la scène par la faute et du Polisario et du gouvernement marocain qui en ont fait, chacun à sa manière, des héros. Ce sont des bulles d'air et la presse est également responsable dans cette grande arnaque nommée Tamek et Aminatou Haidar. Aujourd'hui, je reste pensif quand je vois que ces deux individus sont reçus par les responsables de pays étrangers. C'est ridicule, mais il y a des aspects plus importants que les gesticulations de ces deux individus: le devenir de centaines de milliers de personnes et surtout le sort de celles encore détenues à Tindouf et qui servent de poule aux oeufs d'or pour le Polisario ou ce qu'il en reste.