En décembre 1952, un dirigeant syndicaliste tunisien est tombé sous les balles des colons. Le lendemain, Casablanca se déchaîne. Officiellement, les émeutes occasionnèrent la mort de 33 à 50 personnes. C'était il y a 49 ans. Casablanca brûlait comme elle ne l'a jamais fait, probablement depuis sa création. Certes, bien avant les émeutes de 1952 , d'autres ont brillé par le degré de brutalité et le bain de sang qui a coulé. Les événements de la Chaouia en 1907 s'inscrivent dans cet ordre d'événements qui restent gravés dans la mémoire collective. Puisqu ils ont annoncé la couleur des jours à venir pour les colons et averti les populations marocaines du risque de la profanation du culte religieux. Il ne relève nullement du pur hasard que les premières confrontations entre Marocains et colons ont tourné au tour de l'identité des assujettis. Les grèves de 1936 qui ont ébranlé des secteurs stratégiques du pays ont constitué pour l'observateur avisé un indicateur de la température des mouvements contestataires qui attendaient le Protectorat . Mais les événements du 8 décembre 1952 font date et dépassent de par leurs dimensions et significations tous ceux qui l'ont précédé. D'abord, il s'agit des premières grèves qui passèrent officiellement du stade de la lutte purement syndicale à celle nationale et d'obédience politique. Pour la première fois, les syndicalistes marocains tentèrent de lier dans leurs actions et slogans entre le syndical et le politique, et marquèrent par le point de rupture entre un syndicalisme revendicatif , mais timide et timoré sur le plan politique et un syndicalisme engagé dans la lutte pour l'indépendance. L'UGSCM (l'Union générale des syndicats confédérés au Maroc), issue de la CGT (Confédération générale des travailleurs en France), section du Maroc, a été finalement investie par les nationalistes marocains. Les émeutes du 8 décembre 1952, ont eu également la particularité de mettre au-devant de la scène médiatique, les problèmes des bidon- villes et les questions relevant de la gestion urbaine du Maroc. Il n'est, donc, pas par hasard que c'est en concomitance avec ces événements que le protectorat avait fait appel à Ecochard pour lui confectionner un plan d'aménagement urbain. Aussi, le 8 décembre 1952, ne renvoie pas seulement à un acte de solidarité maghrébine, dû à l'assassinat, en Tunisie de Ferhat Hachad, mais plus encore à une détermination du peuple marocain et de ses forces vives à entamer la lutte pour la libération et du Maroc et du Maghreb arabe du joug du colonialisme. Enfin, les événements de ce décembre noir ont auguré l'ère de la lutte pour l'indépendance; ils étaient en quelque sorte pour les Français l'oiseau de mauvais augure qui allait les pousser à procéder à l'exil du Roi légitime du Maroc. Une démarche qui s'avéra trop chère pour la survie du Protectorat puisqu'elle va secréter en fin de compte, la naissance de la résistance et de la lutte armée.