La victoire des démocrates lors des élections au Congrès oblige le chef de l'exécutif américain à revoir à la baisse ses ambitions géopolitiques et pose de multiples problèmes à ses alliés traditionnels. La défaite des républicains lors des élections dites de «demi-mandat»ne constitue pas uniquement un désaveu cinglant, de la politique de l'Administration Bush. Elle marque également une inflexion profonde des rêves et des ambitions nourris par les Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide et l'écroulement du bloc communiste. A la faveur de leur victoire sur l'URSS et ses satellites, les Américains n'avaient pas caché leur volonté de jouer «les gendarmes de la planète » et d'imposer partout leur modèle de société. Leur puissance économique et militaire était telle que de nombreux experts et diplomates ne doutaient pas de leur capacité à modeler le monde à leur guise et à créer ainsi, par exemple, un «nouveau Moyen-Orient » qui transformerait cette région jadis troublée, en «une oasis de paix et de prospérité». Aujourd'hui, force est de constater que la «Pax americana» n'a pas réussi à s'imposer. Selon l'analyste Aluf Benn, «le double échec de lUS Army en Irak et de Tsahal, l'armée israélienne, au Liban souligne l'ampleur de la déconfiture du rêve américain et l'apparition d'un nouveau bloc hostile constitué par la Syrie, l'Iran, le Hezbollah et le Hamas». Face à cette situation, l'Administration Bush doit opérer une révision en profondeur de ses options géopolitiques et réévaluer la nature et l'ampleur de son engagement en Irak. C'est la recommandation qui lui sera faite par la Commission Baker-Hamilton. Cette commission serait favorable à un désengagement substantiel des Etats-Unis d'Irak où Washington maintiendrait toutefois quelques experts et conseillers militaires. Mais le contingent américain laisserait la gestion du maintien de l'ordre aux Forces de sécurité irakiennes, qui pourraient bénéficier du soutien et de l'intervention de certains pays voisins, en particulier la Syrie et l'Iran,. C'est en ce sens qu'il faut apprécier les ouvertures faites à ce propos envers Damas et Téhéran par Washington, ces dernières semaines. Ce désengagement, dont on peut raisonnablement penser qu'il sera graduel, répond aux vœux de l'opinion publique américaine et devrait conduire George W. Bush à infléchir considérablement son attitude envers l'Iran, notamment dans l'épineux dossier du nucléaire.Pour un expert américain, «Les possibilités d'une attaque contre l'Iran sont devenues quasi-nulles». D'une part, l'opinion publique américaine, échaudée par le «bourbier irakien », ne veut plus entendre parler d'une nouvelle aventure militaire. D'autre part, même s'il voulait à tout prix imposer par la force à l'Iran, l'arrêt de son programme nucléaire, George W. Bush n'en aurait pas les moyens, du fait de l'hostilité de l'Union européenne et de Moscou à tout recours à une solution militaire. Reste que George W. Bush doit aussi tenir compte des inquiétudes des Etats arabes modérés, en particulier des pays du Golfe, riverains de l'Iran, qui s'inquiètent de la montée en puissance de Téhéran et craignent d'avoir à en subir les conséquences. Tout en souhaitant la fin de l'engagement américain en Irak, ces Etats modérés sont les premiers à appeler de leurs vœux un «nouvel équilibre des forces», passant notamment par un engagement accru des Etats-Unis dans la solution définitive du conflit israélo-palestinien. Cet engagement, suivi d'effets concrets permettrait en effet à Washington de mieux défendre ses alliés traditionnels et de rallier l'Union européenne et Moscou à une plus grande fermeté envers Téhéran. Ce serait peut-être le moyen pour George W. Bush de tenter de laisser son nom dans l'histoire d'une manière bien différente de celle d'aujourd'hui. Mais cela implique qu'il renonce à l'idéologie qui guida jusque-là son action.