Abdelaziz Bougja, président de la Confédération Africaine de Rugby, annone qu'il va falloir réduire le niveau de la fracture entre le rugby européen et le rugby africain. Selon lui, il faut donner une chance aux jeunes Africains pour s'exprimer avec une balle ovale. ALM : Vous venez d'être réélu à la tête de la Confédération africaine de rugby (CAR) pour un deuxième mandat. Quels sont les projets que vous comptez lancer? Abdelaziz Bougja : Avant tout, il s'agit pour moi d'une continuité des actions entreprises depuis 2002, année de mon élection à Yaoundé. Depuis cette date, nous sommes dans une dynamique en constante évolution. De 13 pays, le nombre des membres de la CAR s'élève aujourd'hui à 34 et nous espérons le porter à 45 à la fin de mon nouveau mandat. D'une seule compétition en 2002, la Confédération en a organisé six en 2006. Elles touchent les seniors (Africa Cup 1ère division avec 12 pays), la seconde division avec 16 pays (Castel Beer Rugby Cup), les moins de 18 ans avec l'élite (10 pays), et les moins de 18 ans en développement (4 tournois annuels dans 4 différentes zones avec 16 équipes), deux tournois annuels de rugby à 7 (Tanger et Nairobi), deux tournois féminins (Tunis et Kampala) et enfin des stages de formation tant des arbitres que des entraîneurs. Il fallait mettre le rugby à proximité des pays nouveaux. Cela a été notre première préoccupation. Maintenant, il convient d'élargir la base de la pratique rugbystique grâce à l'introduction du rugby à l'école et à l'université. Il faut également faire en sorte que le rugby serve le développement du potentiel extraordinaire qui existe en Afrique. Vous avez évoqué une éventuelle réforme des statuts de la CAR. Pouvez-vous nous donner un bref aperçu sur ce projet et quelles sont les raisons d'une telle réforme ? Les statuts de la CAR datent de 1998. En ces temps, seuls 12 à 13 pays étaient concernés. Aujourd'hui, ce sont 34 pays répartis sur tout le continent qui le sont. Il faut donc traduire la réalité du terrain au plan juridique. Il faut donc décentraliser les instances de la CAR grâce à l'apport des 5 zones géographiques qui auront, chacune, un siège au comité exécutif et élargir ce dernier. Il faut aussi donner un rôle plus participatif aux zones, notamment par leur présence au sein de ce comité et par leur action sur le terrain. Celle-ci consiste en l'organisation de compétitions des moins de 16 ans, de compétitions scolaires inter-zone, et en favorisant la formation de proximité. Enfin, la représentativité doit être inscrite dans les textes. Le fait que le secrétaire général soit nommé par l'Afrique du Sud depuis 1998, doit également changer. Ce dernier doit être élu. Le rugby africain souffre de plusieurs problèmes. Quels sont les efforts entrepris par la CAR pour permettre à ce sport de mieux se développer en Afrique ? Cette question est en liaison directe avec la première. Le continent africain souffre de maux qui sont liés à son positionnement économique et social. Son développement est en question. Dire que nous allons résoudre tous les problèmes que connaît le continent, cela serait un mensonge. Par contre, nous œuvrons dans ce sens avec abnégation et réalisme. Nous essayons depuis 2002 de donner le plus possible au rugby africain et nous continuerons à le faire. Nous irons chercher les aides là où elles sont. Notre combat premier vise à donner aux jeunes Africains la chance de pouvoir s'exprimer avec une balle ovale. De nouvelles compétitions verront le jour et des formations plus soutenues seront mises en place. Enfin, il va falloir réduire le niveau de la fracture entre le rugby européen et le rugby africain, à l'exemple de ce qui s'est réalisé pour le football, le handball ou le basket. Où en est actuellement le projet de constitution d'un site de haute performance réservé aux divers acteurs de la balle ovale ? Cette réponse complètera la précédente question. Ce site sera un outil de développement au service des pays africains. Nous avons manqué de temps durant le premier mandat pour nous concentrer sur ce projet. Il s'agit d'un projet ambitieux mais réalisable, car nous sommes animés d'une volonté pour parfaire ce site. Celui-ci permettra de réduire cette fracture entre les niveaux du rugby. Ce projet fait appel à de nombreuses parties, les Etats, les communes, la fédération internationale, les fédérations nationales et les organismes de soutien au financement. Ce site comprendra une structure haute performance pour les joueurs, les entraîneurs, les médecins, les arbitres et comprendra aussi une structure de réflexion sur l'évolution du jeu. Comment évaluez-vous le niveau du rugby au Maroc ? Peut-on dire que ce sport est sur la bonne voie ? Le rugby marocain connaît certes des difficultés qui ne sont pas liées seulement aux dirigeants, car ceux-ci sont bénévoles et animés par leur passion pour faire évoluer le rugby au Maroc. Les problèmes est de plusieurs ordres. Ils touchent aux infrastructures, au rugby à l'école et aux espaces nécessaires à la pratique. Les moyens mis à la disposition de la fédération restent insuffisants malgré les efforts soutenus du secrétaire général des Sports, Abderrahmane Zidouh, qui fait aussi avec les moyens dont il dispose pour tous les autres sports. Les communes se désintéressent totalement de la pratique sportive, il y a un manque de sensibilité à ce sujet. Le niveau du championnat est à l'image des clubs et ceux-ci restent peu ou prou mal organisés. Il faut, en réalité, une conscience générale pour le sport au niveau local. En dépit de toutes ces difficultés, le rugby a continué à s'exprimer grâce à cette volonté de la fédération et des nombreux bénévoles anonymes qui animent les clubs. Il existe un championnat seniors , juniors, cadets et minimes. Tout cela va dans le bon sens, mais il faut aussi penser à bien former nos cadres entraîneurs, et là réside la difficulté.
Votre réélection a fait couler beaucoup d'encre en Tunisie. Quel commentaire faites-vous à propos de l'acharnement de la presse tunisienne ? Tant que l'on parle du rugby en Afrique , je suis content ; cela lui fait de la publicité. Je comprends le sentiment de frustration de la presse tunisienne, leur champion a préféré jeter le gant dans la course à la présidence de la Car.