Membre du secrétariat général du PJD, Lahcen Daoudi estime que les pratiques qui marquent les élections du 8 septembre 2006 donnent un avant-goût amer de celles qui auront lieu en 2007. Pour lui, Driss Jettou devrait appeler les partis à un sursaut pour préserver la transition. ALM : Que vous inspire la polémique suscitée par la démission de neuf députés pour se porter candidats à la deuxième Chambre ? Lahcen Daoudi : La démission en elle-même n'aurait posé aucun problème si ces députés étaient partis pour se reposer ou pour se consacrer à d'autres activités. Mais, démissionner pour se porter candidat à la deuxième Chambre est éthiquement inadmissible et politiquement suicidaire. Hélas, au lieu d'assumer leurs responsabilités, nos partis politiques se compromettent. Demain, ils vont donner leurs accréditations à ceux qui ont démissionné. Le malheur, c'est que sur les colonnes de leurs journaux, ils condamnent ces pratiques tout en les admettant dans les faits. C'est un double langage qui discrédite la scène politique. Ces partis crient au loup tout en étant des loups. Il faut que les choses soient clarifiées surtout au sein de la Koutla qui se dit démocratique et porteuse de changement. Avec ce que l'on constate ces derniers jours, tout leur discours tombe à l'eau. Quel commentaire faites-vous de la réaction, jeudi dernier, de Chakib Benmoussa devant les membres de la commission de l'Intérieur à propos de ce sujet ? Le ministre de l'Intérieur a écouté un large parterre de parlementaires de tous bords y compris des partis qui cautionnent ces pratiques. La réponse du ministre est qu'on ne dispose pas de preuves, mais il a fait des promesses. Nous, au PJD (Parti de la justice et du développement, NDLR), nous souhaitons des actes concrets. La question qui se pose est la suivante : le ministre de l'Intérieur est-il capable de prendre des décisions contre la majorité gouvernementale à laquelle il appartient ? Nous considérons que si le gouvernement actuel n'est pas capable d'imposer la transparence lors des élections du 8 septembre 2006, il faudra alors se faire beaucoup de soucis à propos de celles qui auront lieu en 2007. Ce qui se passe actuellement en donne un avant-goût très amer. Le Premier ministre doit appeler à un sursaut de la part des partis politiques pour mettre fin à cette mascarade qui risque de compromettre la transition tant souhaitée par les Marocains. Vous aviez appelé au départ du gouvernement Jettou et son remplacement par une autre équipe qui superviserait les élections de 2007. Cela est-il toujours à l'ordre du jour au PJD ? Je pense qu'on avisera après les élections du 8 septembre 2006, le temps de voir la capacité de ce gouvernement à continuer à gérer les grandes échéances décisives de notre pays. Du reste, Driss Jettou est appelé à clarifier la situation actuelle et de dire s'il est effectivement un chef d'orchestre ou si chacun joue son propre refrain ! Plusieurs voix appellent à abolir la deuxième Chambre pour revenir à un système parlementaire monocaméral. Qu'en dites-vous? Le problème n'est pas d'abolir cette Chambre. Quand on n'est pas capable de réformer, on demande l'abolition ou la suppression et cela fausse tout le débat autour de la question. J'estime que ce n'est pas la solution appropriée. Il faut, par contre, avoir le courage des réformes et des grandes décisions. Sinon, dans le cas d'une abolition par exemple, on ne fera que transférer certaines pratiques délictueuses d'un cadre vers un autre, de la deuxième à la première Chambre. Déplacer le problème ne servira à rien.