Dans toute guerre, le renseignement n'est-il pas la meilleure arme ? Les dirigeants d'Al Adl Wal Ihssane ont été certainement pris de court par la réaction énergique des pouvoirs publics. Arrestations, perquisitions, interrogatoires, procès… Une large campagne de ratissage a été lancée sur plusieurs jours dès que l'association de Cheikh Abdesslam Yassine a montré le bout du nez pour organiser à ciel ouvert des journées de communication dans nombre de villes du Royaume. Avec comme objectif inavoué de recruter parmi les visiteurs. Stratégie contrariée. Ces journées n'auront pas lieu et les autorités frapperont fort dans un dessein de déstabiliser visiblement l'adversaire en lui livrant une guerre psychologique assez soutenue. Le but de cette chasse n'était pas tellement d'encombrer davantage les prisons marocaines avec des détenus islamistes. D'ailleurs, on alternait arrestations et libérations. Outre les interpellations massives opérées dans les rangs des militants de l'association, les enquêteurs procéderont à une série de saisies précieuses lors des descentes policières dans les structures de l'organisation. Il s'agit notamment des fichiers informatiques qui renferment toute la base de données d'Al Adl Wal Ihssane. Noms des militants, des “mécènes“ ainsi que la stratégie souterraine de cette dernière sont aujourd'hui entre les mains des autorités. L'association est décapitée autrement non pas en envoyant ses dirigeants derrière les barreaux mais en s'emparant du contenu des ordinateurs. Dans toute guerre, le renseignement n'est-il pas la meilleure arme ? Pour reconstituer ses réseaux, plusieurs années sont nécessaires pour l'organisation ainsi visé. L'Etat marocain ne baisse donc pas la garde pour ce qui est des islamistes non légalisés. Au total quelque 2140 membres d'Al Adl Wal Ihssane arrêtés et fichés. Si cette dernière misait sur la passivité des pouvoirs publics, elle en a été pour ses frais. Pas de concession. Une chose est sûre : l'association, tolérée mais non reconnue, a besoin de manière vitale de sortir de son enfermement qui, à la longue, devient étouffant et la maintient durablement hors de la société et de son temps. La tentative avortée de communication au grand jour participe certainement de ce besoin naturel de respirer et d'aller à la rencontre du public, de desserrer un peu l'étau de l'interdiction. En fait, c'est Abdesslam Yassine avec la vieille garde qui a mis le mouvement dans cette situation peu enviable en promettant pour le Maroc ce qu'il appelle la “Qawma“ (soulèvement populaire) qui fera que le pouvoir, en tombant le moment venu comme un fruit mûr, viendra automatiquement à lui. C'est à partir de cette prédiction qu'a été bâtie toute la littérature de la Jemaâ centrée essentiellement sur “l'éducation de la société“ et selon laquelle il est hors de question pour elle de participer à la gestion des affaires du pays pour ne pas cautionner un système considéré comme corrompu. Extraordinaire Abdesslam Yassine. Il a réussi un grand exploit. Celui de cadenasser les siens dans ses propres fantasmes. Difficile de sortir d'un délire surtout lorsqu'il est bien théorisé.