A l'image de son PIB, le football africain est-il toujours condamné à être un réservoir de talents pour les grands clubs ? En cinq matches, le continent n'a récolté qu'un maigre petit point. Les Aigles de Carthage ont donné leur tout premier point à l'Afrique dans les ultimes secondes du match qui les opposait, mercredi, à une étonnante Arabie Saoudite. Les tunisiens mettent ainsi un terme à une série noire de quatre défaites africaines. Mais le doute persiste. Ces Aigles -qui conservent toutes leurs chances de se qualifier- n'ont pas volé aussi haut que leurs aînés du mondial argentin de 1978, dépositaire de la première victoire africaine en phase finale de coupe du monde. Depuis cette édition sud-américaine, il y a déjà 28 ans, les analystes et les observateurs s'attachaient à dire que le football africain est en progression. Constats confirmés sur le terrain. En 1982, l'Algérie de Rabah Madjer faisait plier l'Allemagne de Karl Heinz Remeunigge, alors que l'autre représentant du continent, le Cameroun, donnait par le biais de Roger Milla, une superbe réplique à Paolo Rossi, en trompant le gardien italien Dino Zoff. 45 secondes se sont à peine déroulées entre les deux buts. Certes, ce football africain, fait alors d'abnégation et d'enthousiasme, est bien loin de celui pratiqué aujourd'hui, avec des joueurs enfermés souvent dans des schémas tactiques complexes et qui perdent beaucoup d'énergie dans la négociation de leurs primes de match. Au Mexique, en 1986, face aux Portugais, le Maroc a choisi l'attaque et le jeu libre. Le résultat est connu. L'Afrique franchit enfin le premier tour d'une phase finale de Coupe du monde. L'image de Badou Zaki alignant son mur alors que le coup franc –trop vite tiré- propulsait le cuir dans ses filets, est encore présente dans les esprits. Quatre ans plus tard, en Italie, le Cameroun relève la barre jusqu'aux quarts de finale, mène au score la puissante écurie Angleterre, pendant une bonne partie de la deuxième mi-temps avant de s'effondrer brutalement sur deux penalties sifflés coup sur coup et transformés à chaque fois par Gary Lineker. La messe est dite. Cette inconstance a toujours été l'une des caractéristiques du football africain, éternel réservoir de talents et d'individualités pour d'éternelles désillusions. Après le tour d'honneur des co-équipiers de Roger Milla qui avaient ravi les supporters du mondial italien, l'on pensait que la prochaine serait la bonne. D'autant que de Lagos, les Supers Eagles achevaient tout juste de mettre en place l'une des meilleures équipes du continents. Les débuts du Nigeria au mondial américain de 1994 confirma tout ce que l'on attendait d'eux. Une victoire fracassante contre la Bulgarie, tombeuse de la France d'un certain 17 novembre 1993, une courte défaite face à l'Argentine où Maradona surdopé livrait son dernier match en coupe du monde, et une correction infligée à la Grèce et voilà qu'à travers tout le continent l'on se reprenait à rêver du sacre. Ce rêve, soutenu par un coup de tête rageur d'Emanuel Amonnikke, durera 88 minutes durant, au deuxième tour, face à la Squadra Azzurra. Et puis c'est la sentence …presque divine. Roberto Baddgio, le sifflet de l'arbitre. Un penalty. De vaines protestations. Bref, c'est le retour à la case départ. L'Afrique est éliminée. Fort de ces prestations, la Caf exigea et obtint cinq places. Hélas en 1998, le Maroc, victime d'une étonnante défaite du Brésil face à la Norvège (rappelant le sort de l'Algérie en 1982) ne dépassera pas le premier tour malgré une nette victoire face à l'Ecosse. Le Nigeria –toujours lui- poussera plus loin, fera plier l'Espagne de Raul Gonzales, la Bulgarie de Kostadinov et, alors qu'on l'attendait en quart de finale, subira une lourde défaite face au Danemark. Encore cette inconstance ? Ces feux de paille qui précédent l'éclipse ? En 2002, El Haj Diouf et les siens s'offriront la France puis, entre deux virées nocturnes, arracheront leurs tickets pour le deuxième tour puis pour le quart. Les nerfs lâcheront dans les ultimes minutes d'un match tendu face à la Turquie. Après ce brillant parcours des Sénégalais, l'espoir était permis de voir une équipe africaine aller plus loin. Mais pour le moment, des cinq équipes qui sont en Allemagne, bien malin devinerait celle qui ira loin. En effet, ni les Elephants ivoiriens, noyés dans les considérations tactique-défensives de leur entraîneur, ni les Eperviers togolais, englués dans les histoires de primes, ni les Ghanéens, dont les défenseurs qui ont offert un caviar de chef à l'attaque italienne inquiètent, encore moins les novices Angolais, n'ont marqué le moindre point. Seules les Aigles de Carthage ont arraché ce point, mais dans un match qui était largement à leur portée. A l'image de son économie, en attente de décollage, le football africain croule sur les potentialités mais n'avance pas.