Ex-président de l'Association professionnelle des minotiers (APM), Mohamed Ghali Sebti a bénéficié de la liberté provisoire après sa comparution mardi 23 décembre devant la Cour spéciale de Justice à Rabat. Avec le retour volontaire de M. Ghali Sebti, le dossier des minotiers risque de connaître de nouveaux rebondissements. Le principal accusé aura certainement des choses à dire pour sa défense dans le cadre d'un nouveau procès. C'est un passager inhabituel qui a débarqué, en fin de matinée du mardi 23 décembre à l'aéroport Mohammed V de Casablanca, en provenance de Madrid. Bien habillé, l'homme affiche un air serein. Encadré par deux policiers marocains qui ont été chargés spécialement d'assurer son transfert de l'Espagne vers le Maroc, Mohamed Ghali Sebti a négocié son retour au Maroc avec les autorités marocaines en échange d'un procès qu'il veut juste et équitable après une cavale de plus de quatre ans. Les frais de voyage de M. Sebti et de ses deux “anges gardiens“, fixés à la somme de 21.701 Dhs par l'agence de voyage qui s'est occupée des billets, ont été pris en charge par l'État marocain. Après les formalités d'usage, l'ex-président de l'Association professionnelle des minotiers (APM) sera embarqué dans une voiture banalisée toujours sous bonne escorte. Direction : la Cour spéciale de justice à Rabat. Informé de l'arrivée du détenu en plein déroulement du procès de Erramach et de ses coaccusés, le procureur général près cette juridiction ordonne discrètement à l'un de ses collaborateurs de ne pas le faire entrer tout de suite dans le souci d'éviter que la nouvelle ne s'ébruite auprès des journalistes. Ces derniers qui couvraient la deuxième audience du dossier des barons de la drogue de Tétouan n'en sauront rien. Après le départ de la presse, Ghali Sebti comparaît devant le procureur. La séance est brève. L'accusé ne sera pas mis sous mandat de dépôt à la prison de Salé. Il bénéficie de la liberté provisoire sur demande du Parquet même. Celui qui dormira désormais chez lui comparaitra en état de libérté. Le retour de M. Ghali Sebti au Maroc remet au goût de l'actualité une affaire connue sous le scandale du blé qui avait défrayé la chronique judiciaire il y a quelques années. Le procès s'ouvrira sans Ghali Sebti, l'homme-clé du dossier qui a eu le temps de partir en Espagne en avril 2000. Deux autres prévenus, le président de l'APM Mohamed Kassidi et le trésorier de l'association Jamal Eddine Abaâkil prendront la poudre d'escampette. Ces deux hommes ne donneront plus signe de vie. Les poursuites seront tout de même engagées sur fond d'une controverse autour de la compétence ou non de la Cour spéciale de justice de statuer sur une affaire qui concerne pour certains experts une association privée. Malgré cette polémique nourrie à coup de rapports d'expertises et d'arguties judiciaires, seront détenus et jugés pour détournement de deniers publics, abus de confiance, complicité et destruction de documents comptables les employés de l'AMP dont la quasi-totalité ont recouvré aujourd'hui la liberté. Les verdicts oscillent entre 6 mois et 15 ans. Certains ont purgé leur peine, d'autres ont bénéficié de la grâce royale. Reste l'ex-directeur de l'Association des minotiers, Younès Abderrahmane qui quittera la prison en 2005. Tout au long des péripéties de cette affaire, les condamnés auront eu le sentiment, en l'absence des principaux protagonistes, d'être des lampistes qui ont été livrés en pâture pour l'on ne sait quelle considération. Quant à Ghali Sebti et les deux autres dirigeants de l'association absents, ils seront condamnés par contumace dans le cadre de ce procès à une peine d'emprisonnement de 15 ans. Voilà que l'affaire rebondit avec le retour de M. Sebti après que l'affaire eut été presque close. L'intéressé, qui ne s'est jamais exprimé sur les griefs retenus contre lui, compte-t-il faire des révélations nouvelles et fracassantes qui éclaireraient le dossier sous un autre jour ? Rien n'est moins sûr. Dans ce cas, la Cour spéciale de justice est obligée de reprendre l'instruction du dossier avec éventuellement l'interpellation d'autres personnes. Le scandale avait éclaté au grand jour au courant de 1997. Hassan Abouyoub, alors ministre de l'Agriculture et aujourd'hui ambassadeur du Maroc à Paris, transmet à son collègue de la Justice Abderrahmane Amalou un rapport accablant pour les dirigeants de l'APM qui fait état de détournements de fonds estimés à plus de 40 millions de Dhs et d'une multitude d'irrégularités comptables. Sur ces entrefaites, la BNPJ se saisit de l'affaire et entame son enquête auprès des concernés. La Cour spéciale de justice entre en lice et prend le relais. En fait, les véritables dessous de cette affaire sont à chercher du côté de la libéralisation en 1996 de la filière céréalière et la création par certains minotiers de sociétés d'importation de blé. Cette libéralisation sauvage du secteur, qui a permis l'introduction de quantités massives de cette denrée sur le marché national, a pénalisé les agriculteurs marocains. La situation était telle que l'ex-ministre de l'Intérieur Driss Basri a dû intervenir sur ordre du chef de l'Etat pour tenter de calmer la colère des producteurs locaux du blé. Ce n'est pas seulement Ghali Sebti et certains minotiers qui se sont transformés en importateurs du blé. D'autres sociétés ont vu le jour comme Tamount Investment où Hassan Abouyoub figure parmi les principaux actionnaires aux côtés de Hassan Alami, patron du cabinet d'expertise comptable Manay Maroc, celui-là même qui a concocté (comme par hasard !) le fameux rapport d'audit sur l'APM qui a mis le feu aux poudres.