Dans un entretien accordé au journal français « Le Monde », Ali Belhadj, ancien dirigeant du Front islamique du salut (FIS, dissous), lance une attaque frontale contre le pouvoir algérien. Serait-ce «le retour du "Grand inquisiteur"» ? En tout cas, c'est ce que laisse entendre un entretien accordé, lundi, par Ali Belhadj, ancien dirigeant du Front Islamique du salut (FIS), à la presse française. Dans cet entretien, cet islamiste considéré, à juste titre, comme l'artisan de la victoire du FIS lors des élections de 1991, critique sévèrement la charte pour la paix et la réconciliation. «Le pouvoir algérien est illégitime depuis le coup d'Etat de 1992», a-t-il martelé. Avant d'enfoncer le clou : «Le pluralisme politique n'existe pas et n'a jamais existé en Algérie. Comment prétendre le contraire, quand le choix du chef de l'Etat est décidé par les patrons de l'armée ? Si vous ne me croyez pas, je vous renvoie aux Mémoires de l'ancien patron de l'armée, le général Khaled Nezzar, ou aux propos tenus tout récemment par l'ex-président Ben Bella. Ce sont les militaires qui dirigent ce pays, et la présidence de la République n'est qu'une annexe du ministère de la défense», a-t-il déclaré. «Comment ose-t-on parler de réconciliation nationale alors que nous vivons depuis quatorze ans sous le régime de l'état d'urgence ?», s'interroge-t-il dans cet entretien dont les propos ont été largement reproduits par la presse algérienne. Pour lui, une réconciliation véritable doit se négocier entre toutes les parties concernées : l'armée, les partis et la société civile. Avant de faire remarquer qu'en Algérie, elle est imposée par les responsables du coup d'Etat et eux seuls. «Les bourreaux se présentent comme des victimes… C'est le monde à l'envers», ironise-t-il. Ali Belhadj a même défié le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, qui avait interdit aux anciens responsables du FIS, par le biais d'une ordonnance, d'exercer des activités politiques en réaffirmant, une fois de plus, sa volonté de réintégrer la scène politique. «Nous avons des frères qui ont été torturés en prison. Ils connaissent les noms de leurs bourreaux. La charte leur interdit de porter plainte. Elle nous interdit aussi de faire de la politique. Mais faire de la politique est un droit inscrit dans la Constitution. Personne – ni le président, ni les décideurs militaires – ne peut m'interdire de faire de la politique ! Le chef de l'Etat a prêté serment sur le Coran de respecter et de garantir la Constitution, qu'il est le premier à violer. La charte sur la réconciliation n'a aucune légitimité constitutionnelle,» a-t-il dit. Ali Belhadj affirme aussi que les résultats du référendum ont été truqués. Pour lui, le pouvoir méprise et trahit les Algériens. «En 1991, le peuple a voté pour le FIS. Pourquoi les militaires n'ont-ils pas respecté son choix ? Est-ce que le peuple qui nous a choisis n'était pas le peuple algérien ? Etait-il mineur ou majeur?», s'interroge-t-il. Figure de proue du courant salafiste, Belhadj avait été arrêté en juin 1991. Il a été condamné à douze ans de réclusion criminelle. Interdit de toute activité politique pour une durée de cinq ans, il avait été de nouveau interpellé le 28 juillet 2005. Dans une interview accordée à la chaîne qatarie Al-Jazira, il avait félicité Abou Moussab al-Zarqaoui d'avoir kidnappé deux diplomates algériens à Bagdad - lesquels seront peu après exécutés. Le ministère public a engagé une action qui a abouti à l'incarcération de l'ex-imam de Bab el-Oued. Il sera libéré le 6 mars dernier de la prison d'El-Harrach (Alger) et ce, dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation. Après cette nouvelle sortie, Ali Belhadj risque encore de se retrouver sous les verrous. À suivre…