Cinq ans après le discours historique Marrakech, la vision 2010, qui a fait sauter les verrous foncier et aérien, se heurte aujourd'hui à l'obstacle du financement. C'était le thème central de la sixième édition des Assises Internationales de Tanger. Cinq ans après le discours historique de Marrakech, en janvier 2001, bien des verrous ont sauté. Plus de problème de foncier, plus de blocage aérien. Les différents chantiers de la vision 2010 avancent. Les nombreux intervenants qui se sont succédé au prétoire durant les deux jours qu'ont durés les Assises internationales du tourisme, le 31 mars et le 1er avril, ont martelé cette évidence, souvent dans un tonnerre d'applaudissements. Epaulé par l'Observatoire du tourisme, le ministre du Tourisme, Adil Douiri, a mis en exergue un bilan 2005 a priori flatteur. Avec, explique-t-il, une croissance de 20% en nuitées et en arrivées sur les deux dernières années et le dépassement du seuil mythique de la barre des 6 millions de touristes. Mais, derrière cet écran de chiffres, couve une certaine inquiétude. L'année 2005 marque un ralentissement substantiel du rythme de constructions de nouveaux lits, a tenu à préciser le ministre du Tourisme lui-même. A peine 5 200 de construits, contre 10 000 en 2004. Les objectifs assignés dans le contrat-programme, à savoir l'entrée dans le circuit commercial de 16 000 nouveaux lits, par an sont encore loin. L'absence de mécanismes de financements adéquats en fonds propres est l'une des raisons de ce retard. Pour concrétiser ses ambitions touristiques, le Maroc a besoin de 25 milliards de dirhams en fonds propres d'ici 2010. Seuls des montages financiers appropriés, du genre Risma par exemple, destinés à « construire » des hôteliers et non à financer le fonctionnement, peut dynamiser l'investissement dans les murs. Comme à Ouarzazate en février 2005, avec le lancement des crédits Azur, c'est Attijariwafa bank qui annonce la couleur. Présent à cette grand-messe touristique, Khalid Oudghiri, se dit d'emblée favorable au principe de la mise en place d'un montage pour le financement des fonds propres avec, souhaite-t-il, la participation de l'Etat. L'institution s'engage pour un ticket allant de 500 à 1 milliard de dirhams. Egalement représentée à ces Assises, la Banque Populaire, qui avait déjà discuté du projet avec Attijariwafa bank, annonce une participation pour «un ticket minimal de 500 millions de dirhams ». Séduite par les nombreux gages que présente le secteur touristique, la CIMR, s'engage pour 500 millions de dirhams. Les 1.200 participants à ces Assises du tourisme ont donc assisté en direct à la naissance d'un fonds d'investissement. Le tour de table dont les contours restent encore à définir sera élargi à la Caisse de Dépôt et de Gestion, laquelle s'engage pour 250 millions de dirhams. Ce montant sera majoré pour porter, la participation de l'Etat dans ce fonds, à «au moins 20%, quelle que soit l'enveloppe finale », promet le ministre du Tourisme. Ce fonds d'investissement devrait ouvrir la voie à une douzaine de mécanismes du genre. Entre 2006 et 2007, Adil Douiri veut mobiliser un montant global de 2,5 milliards de dirhams. Ce fut là l'une des annonces fortes de cette édition des Assises internationales du tourisme. Outre le financement, la position du produit Maroc sur certains marchés émetteurs a été longuement débattue. Certes, le marché français, toujours en forte croissance ne pose pas de problèmes. Mais sur les cinq destinations cibles situées entre 1 heure et 3 heures de vol du Maroc, et qui ont fait l'objet d'un programme approprié de «reconquête » en 2005, les résultats engrangés sont faibles. « Outre l'Espagne et la Belgique, notre position est ridicule en Allemagne et en Italie», déclare Abbès Azzouzi, Directeur général de l'Office national marocain du tourisme. Sur le premier pays, le Maroc enregistre une croissance de 2% (après des années de recul) pour une prévision initiale de 15%. Sur le second, la croissance a été de 7% contre une escompte de 20%. Les raisons de ces faibles performances s'expliquent, pour ce qui est du cas du marché allemand, par l'absence de capacité commercialisable suffisante, notamment à Agadir où une bonne partie du portefeuille, invendable, a besoin d'être rénovée, à l'instar de Tanger. La ville hôte des Assises qui attend 7500 lits d'ici trois ans, comme l'a annoncé Mohamed Hassad, wali à l'origine du boom touristique de Marrakech et sur qui, beaucoup d'espoirs sont fondés. A la recherche de nouvelles dessertes aériennes qui leur font cruellement défaut, Tanger et Fès seront parmi les principales bénéficiaires de la politique de «déconcentration » du produit touristique Maroc, axée actuellement sur Marrakech et Agadir. Parmi les engagements ministériels retenus en 2006, la diversification à travers la politique des marques figure en bonne place. L'ONMT qui dispose désormais d'un budget conséquent, grâce à la réforme de la TPT et à une rallonge de l'Etat, a promis de s'investir en Russie ( le Maroc reçoit à peine 4000 russes), dans les pays de l'Est et au Moyen Orient, avec un objectif de drainer d'ici cinq ans 500 000 visiteurs de ces marchés. Le nouveau P-dg de la Royal Air Maroc, Driss Benhima, qui applaudit des deux mains la politique d'ouverture du ciel, aura certainement un rôle moteur dans la conquête de ces marchés.