À Londres, un essai clinique d'un nouveau médicament a tourné au cauchemar. Le drame a ravivé un débat vivace au sein de la communauté scientifique britannique. Ils étaient huit cobayes, âgés de 18 à 30 ans. Pour une somme de 2 300 livres (3.300 euros), ils avaient accepté de participer au test clinique d'un nouveau médicament, le TGN 1412, dans les locaux de l'hôpital Northwick Park, à Londres. Ils ne s'attendaient pas à ce que le test puisse tourner au cauchemar. C'était lundi. Quelques minutes après l'administration du principe actif, dévolu entre autres à la lutte contre les leucémies, six d'entre eux – ceux qui n'avaient pas reçu de placebo - se sont plaints de maux de tête et d'une transpiration excessive, avant de sombrer dans l'inconscience. Les six patients sous TGN 1412 ont commencé à trembler et à vomir. Raste Khan, 24 ans, faisait partie de ces huit volontaires, se souvient de ses camarades, demandant de l'aide : «Il y en avait qui criaient : "ma tête va exploser"», a-t-il expliqué au Daily Mail. «C'était terrifiant. C'était comme la roulette russe. Deux d'entre nous s'en sont sortis et ont eu de la chance. Les autres tombaient comme des dominos,» a-t-il raconté. Le docteur Ganesh Suntharalingam, chef du service des soins intensifs du Northwick Park Hospital de Londres, lui, a fait devant les médias une déclaration alarmante : il a affirmé qu'«il ne serait pas raisonnable de formuler un pronostic» ! Selon un responsable scientifique de Parexel, «il était prévu de donner aux six volontaires une faible dose, ajustée selon leur poids. C'est un test normal pour ce type de médicament, ajoute-t-il. Tester un tel médicament avec des volontaires est une procédure normale dans le cadre des premiers tests sur humains.» Depuis mardi, deux jeunes hommes sont plongés dans un coma artificiel, tandis que quatre autres sont dans un état grave. L'affaire fait grand bruit en Grande-Bretagne. L'Agence britannique de régulation des médicaments a immédiatement ordonné la suspension de l'essai clinique et ouvert une enquête. En effet, le drame ravive un débat cuisant au sein de la communauté scientifique britannique. L'expérimentation sur les animaux a été menacée par les groupes de pression. Le TGN14-12 avait été testé sur des singes, mais un député affirme que des chercheurs persécutés, abrégent les protocoles sur les animaux, mettant en danger la vie des cobayes humains. La substance testée avait initialement été créée et développée par TeGenero, petite société de biotechnologies allemande. Il s'agit d'un «anticorps monoclonal», l'un des derniers nés d'une famille moléculaire prometteuse, issue des progrès accomplis depuis plus d'un quart de siècle par la biologie moléculaire. Les anticorps monoclonaux ont, dans un premier temps, permis de mieux saisir l'intimité des mécanismes immunitaires avant de trouver de multiples applications dans le secteur des biotechnologies. Ils commencent aussi à être développés dans plusieurs secteurs de la thérapeutique. Baptisé «CD28-Super MAB», l'anticorps monoclonal de TeGenero avait été jugé suffisamment intéressant pour que, en novembre 2003, la puissante firme pharmaceutique allemande Boerhringer Ingelheim signe avec la petite société bavaroise «une entente de mise au point et de fabrication».