Il y a une règle qui doit être universelle : en matière de droit, le doute doit profiter à l'accusé. Non seulement dans le cas d'espèce, cette règle n'est pas respectée, mais «l'intime conviction» du juge semble l'emporter sur la preuve scientifique. Ce n'est pas simplement aux antipodes de la justice. Ce n'est pas simplement dramatique…. C'est franchement suspect. Très, très suspect. J'en ai avalé de travers mon café matinal. Dans le journal local, il y avait un article qui relate l'invraisemblable histoire d'un MRE de ma région. Franco- marocain, lui et son ex-épouse, ils s'entredéchirent, depuis dix ans, dans un divorce qui n'en finit pas. Comme tant d'autres divorces, le cas de nos MRE pose la question du télescopage des droits. S'agissant du droit de la amille sur un fond de conventions internationales, il y a toujours et forcément des incompatibilités qu'on peut considérer comme tolérables. Il y en a d'autres qui sont scandaleusement inadmissibles. L'histoire de ce couple franco-marocain n'a rien d'exceptionnel. Les divorces qui se passent mal sont légion. Mais l'histoire de Mohamed Bellakhadim trouve son originalité dans ce qu'elle charrie comme absurdités. Dessinateur industriel, habitant à Belfort, la ville de Jean-Pierre Chevènement, Mohamed, 40 ans, s'est adressé, pour son divorce à un tribunal français. Pour rendre leur verdict dans une rupture qui concerne des musulmans où, en France, le doute bénéficie rarement à l'homme, les magistrats s'étaient appuyés sur les résultats d'une expertise de filiation qu'ils avaient ordonnée et qui avait été réalisée en 1999. L'étude de l'ADN confirmait que Mohamed n'était pas le père de la fillette née le 13 septembre 1996. Les juges alsaciens, convaincus, avaient ordonné que l'enfant portat le nom de la mère, divorcée de Mohamed Bellakhdim depuis le 2 février 1996. C'est vous dire… La mère, n'ayant pas toléré le jugement français, s'était alors retournée vers la justice marocaine. C'est à un tribunal d'El Jadida qu'il reviendra de traiter l'affaire. Celui-ci va donner raison à la mère. Il va considérer que les analyses biologiques «étaient contraires à la tradition musulmane et marocaine». Mohamed en sera condamné à une pension alimentaire mensuelle de 3000 dh. C'était en 2001. La nouvelle Moudawana n'est décidément pas un horizon d'espérance pour les femmes seulement. Le RME belfortain y a vu aussi une opportunité. Quand, avec son avocat marocain, ils se sont adressés de nouveau au tribunal d'El Jadida, celui-ci n'a rien voulu entendre au prétexte que l'application de la nouvelle Moudawana, et notamment l'article concernant le rejet de filiation, est portée à «l'appréciation personnelle» du juge. Un juge qui n'a aucune considération pour une preuve scientifique irréfutable sous prétexte que le code de la famille de l'époque ne reconnaissait pas cette pratique. Que ce juge garde la même détermination malgré le changement de l'environnement juridique et la nouvelle Moudawana, voilà qui en dit long sur la latitude et «l'appréciation personnelle». Il y a une règle qui doit être universelle : en matière de droit, le doute doit profiter à l'accusé. Non seulement dans le cas d'espèce, cette règle n'est pas respectée, mais «l'intime conviction» du juge semble l'emporter sur la preuve scientifique. Ce n'est pas simplement aux antipodes de la justice. Ce n'est pas simplement dramatique…. C'est franchement suspect. Très, très suspect.