Le secteur avicole est en crise. Production abondante mais des prix en chute libre menacent quelque 66.000 emplois directs et 137.000 indirects. La grippe aviaire touche de pleine fouet une filière qui demande l'aide du gouvernement. La semaine dernière dans la région de Aïn Aouda, des dizaines de centaines de poulets ont été abattues par des aviculteurs locaux. La scène a semé la panique parmi les habitants qui ont tout de suite trouvé les causes de cet abattage. Sauf qu'il ne s'agissait pas de grippe aviaire, mais de la réponse d'un éleveur à une baisse de la consommation et des prix de vente sur le marché local. «Le secteur aviaire va mal. Avec une hausse de la production est une baisse de la demande, il y a de quoi s'alarmer», souligne d'emblée M. Mâachi de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole. Ces propos résument tout le malaise que vit actuellement ce secteur. Ce jeudi 16 février 2006, les responsables de cette fédération professionnelle devaient rencontrer le Premier ministre Driss Jettou. « A l'ordre du jour de cette réunion, les mesures à prendre pour aider à la mise à niveau du secteur avicole ». La concomitance de la rencontre avec les derniers développements de l'épizootie de la grippe aviaire dans le monde, en Grèce, en Italie, en Europe de l'Est et tout dernièrement en Allemagne, a concentré le débat sur l'urgence du moment, à savoir l'existence ou non de cette maladie au Maroc. Pour le ministère de l'Agriculture, du Développement rural et des Pêches maritimes, il s'agit plutôt de mettre en place une stratégie globale pour le secteur. Avec la menace de la grippe aviaire s'approchant de plus en plus de notre pays, les difficultés des éleveurs et autres professionnels remontent à la surface et s'inscrivent sur la liste des priorités du gouvernement marocain. « Plusieurs mesures sont à l'étude et ont été proposées aux professionnels. La plus importante concerne la mise en place d'un fonds pour indemniser ceux dont les élevages seraient touchés par le virus de la grippe aviaire en cas d'abattage. Ce serait la même aide que celle qui a été proposée aux victimes des criquets », souligne Mohand Laenser. Loin de satisfaire des professionnels qui demandent des aides beaucoup plus qu'une indemnisation à l'abattage. «Ne confondons pas les choses. La menace de la grippe aviaire n'est que pour mettre en exergue un secteur qui n'a cessé de croître ces dernières années mais qui affronte une campagne 2005-2006 des plus difficiles. Les problèmes sont beaucoup plus structurels et les solutions doivent être de même». Avec un taux d'accroissement moyen durant les trois dernières décennies de 7,5%des productions de viandes de volailles et de 6,4% des productions d'œufs de consommation, le secteur avicole constitue l'une des activités agricoles les plus dynamiques au Maroc. Il est également l'un des premiers secteurs employeurs de l'économie nationale avec quelque 66.000 emplois directs et près de 170.000 emplois indirects dans les circuits de commercialisation et de distribution. Cette activité économique peut également se targuer de quelque 6,3 milliards DH d'investissements cumulés consentis avec un chiffre d'affaires estimé à 12,8 milliards DH. Mais l'importance du secteur n'est pas uniquement d'ordre financier, mais également social. «Compte tenu de ses prix relativement bas par rapport aux autres denrées animales, les produits avicoles sont consommés par l'ensemble de la population et constituent le seul recours pour l'amélioration de la sécurité alimentaire de notre pays en terme de protéines d'origine animale», explique-t-on auprès de la FISA. Et d'ajouter qu'avec une production en 2004 de l'ordre de 337 000 tonnes de viandes de volailles et 3,3 milliards d'œufs de consommation, ce secteur a couvert 100% des besoins en viandes de volailles représentant 52% de la consommation totale toutes viandes confondues ainsi que 100% des besoins en œufs de consommation. Mais avec cette menace de grippe aviaire, les citoyens lorgnent les petites bêtes avec des yeux suspicieux. Seraient-elles porteuses du virus maudit ? Pour Mohand Laenser, la réponse est négative. «Le poulet continue de s'acheter et de se manger».