Depuis une quinzaine de jours, Fadma Abali, 34 ans, vit un cauchemar en compagnie de son bébé, Hanane, âgé de 18 mois. Hospitalisé à Agadir pour paludisme, contracté en Guinée équatoriale, son mari, Mustapha Adab, y rend l'âme. Depuis c'est la descente aux enfers. Entretien. Aujourd'hui Le Maroc : Quelles sont les circonstances de la mort de votre mari, Mustapha Adab ? Fadma Abali : Mon mari Mustapha Adab est décédé vendredi 25 novembre de paludisme. Le cauchemar a commencé il y a une quinzaine de jours. Le défunt, au bout de deux mois passés à pêcher en mer équato-guinéenne, rentre à la maison. Mais ce qui devait être un événement heureux s'est subitement transformé en calvaire puisqu'au lendemain de son retour, les symptômes d'une fièvre terrassant Mustapha sont apparus. Après une dure nuit, mon défunt mari, qui n'en était pourtant pas à sa première expérience en haute mer, a été hospitalisé, d'abord à l'hôpital d'Inzeggane, puis, deux jours plus tard, à l'hôpital HassanII d'Agadir. Motif : paludisme. Un mal équatorial contre qui mon époux n'a pu résister, n'ayant reçu aucune protection préalable recommandée pourtant dans ce type de déplacement en Afrique. Vendredi 25 novembre, la maladie arrive à un stade tellement avancé que Mustapha rend l'âme laissant, derrière lui, une veuve sans ressources financières et un bébé de 18 mois à peine, n'arrêtant pas de crier comme s'il se doutait de quelque chose qui dépasse son entendement de nourrisson. Quelles sont pour vous les conséquences de cette mort tragique ? Première conséquence, j'ai été obligée de quitter la petite chambre de Masdoura, que je partageais avec ma belle-mère et ma belle-sœur, pour rejoindre Casablanca où vivent mes frères. Ce sont des gens très pauvres qui peinent à joindre les deux bouts et qui ne peuvent pas supporter la charge de deux bouches supplémentaires. Depuis, je ne sais plus à quel saint se vouer. Je me trouve ballottée entre Agadir, ville où j'avais un toit, une famille et un mari qui prenait tout en charge, et Casablanca, métropole où je suis actuellement acculée à résider, dans une petite maison en compagnie de mon frère. N'avez-vous pas contacté l'employeur de votre défunt mari ? Ce dernier est-il assuré contre les risques de son métier ? Je ne sais pas. Vous savez, je suis une pauvre femme analphabète qui ne s'est jamais prise en charge. N'ayant pas le sou, je me suis tournée vers l'employeur du défunt pour percevoir les indemnités de décès. C'était la semaine dernière, jour où la tempête tropicale Delta s'est abattue sur les côtes du Souss. Après de longues heures d'attente, des tergiversations de l'employé de la société SEPAV, je me suis retrouvée dans l'obscurité d'une nuit automnale particulièrement fraîche, surtout pour ma petite fille, qui, depuis le drame, ne quitte pas mon dos. Je n'avais nulle part où aller. L'hospitalité d'un marin pêcheur nous a finalement sauvées d'une nuit passée à la bonne étoile. Le lendemain, le même scénario s'est répété. L'employeur a refusé d'assumer ses responsabilités, faisant fi des textes législatifs encadrant la relation entre armateurs et marins. n'était l'intervention du chef de district du port d'Agadir, mon attente aurait duré plus longtemps. Quelle est la somme qui vous a été versée ? Finalement, ployée sous la pression du Syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière, la société s'est décidée à me verser la modique somme de 2350 DH, salaire de deux mois de pêche en haute mer dont a été déduite une avance de 2500 DH que le défunt avait touchée de son vivant. Aucune indemnité de décès ne m'a été versée. Aucun remboursement de frais d'hospitalisation non plus. Quelques jours plus tard, en rendant visite à Khadija Doukkali, propriétaire de la société de pêche à Casablanca, en compagnie de mon frère, j'ai touché la somme de 2000 DH, offerte soi-disant amicalement par l'armateur en nous présentant ses condoléances. Mais est-ce suffisant pour la perte d'un mari ? Qu'ai-je d'autre à faire à part remettre mon sort et mon chagrin entre les mains de Dieu ?