On nous annonce qu'un terroriste de haut vol est entré au Maroc depuis septembre. Le Maroc est menacé, il l'est de manière continue et non pas sporadique comme on tend à travers une certaine communication, à le laisser croire. L'annonce, en elle-même, est troublante. Quel intérêt les sécuritaires ont-ils à donner cette information ? Justifier l'arrestation des anciens de Guantanamo et quelques irrédentistes ? Un Etat de droit n'a pas besoin de subterfuges pour justifier une enquête ayant trait à la sécurité de la nation. Cette annonce a créé un environnement de véritable paranoïa, objectif premier du terrorisme, rappelons-le. Heureusement que la presse française ayant son problème de banlieues n'a pas mis en exergue l'information, sinon le tourisme en aurait pâti. Cet excès de communication contraste avec le relâchement des mesures sécuritaires. Ainsi nos gares sont dispensées de toute présence policière, les lieux publics ont libéré les services de sécurité qu'ils avaient recrutés après le 16 mai. Nous n'avons pas un comportement cohérent vis-à-vis de la menace terroriste, au niveau politique et sociétal. Les sécuritaires ayant eux, jusqu'ici, réussi à éviter le pire à plusieurs reprises ce qui n'est pas une garantie d'infaillibilité. Au risque de se répéter, la doctrine selon laquelle la menace terroriste est d'essence étrangère est, peut-être, attrayante pour la diplomatie mais est démobilisatrice sur le plan interne. Le Maroc produit des terroristes parce que la pensée qui le sous-tend est omniprésente et qu'elle a pignon sur rue. La réaction vive après le 16 mai est vite retombée, laissant place à une démobilisation confinant à la complaisance. Ainsi, l'affaire Saïd Lakhal a suscité peu de réactions. Rappelons que ce chercheur a été menacé de mort par un groupuscule jihadiste. Cette banalisation est suicidaire, malheureusement la communication officielle en est peu ou prou responsable. Elle a viré après l'attentat de Madrid en optant pour la thèse du phénomène étranger. Personne n'est dupe, la volonté d'éviter une mise au ban diplomatique a imposé ce virage. Les mêmes responsables qui, après le 16 mai, posaient la question : quid du PJD? changeraient de fusil d'épaule. Aujourd'hui, les mêmes donnent des informations sensibles sans que l'on puisse comprendre leur stratégie de communication. La logique, elle, impose d'autres choix. Tout d'abord considérer que le risque zéro n'existera jamais ou tout au moins pas dans un futur prévisible. Ensuite, que le Maroc, par ses choix de démocratie et d'ouverture, est une cible presque normale des assassins jihadistes. Enfin, qu'à l'instar des autres pays de la sphère dite arabo-musulmane, et même un peu plus selon les statistiques, le Maroc est producteur de terroristes. Dès lors, lutter politiquement, culturellement, socialement contre le terrorisme et ses origines est un devoir quotidien qui s'articule d'abord autour de la modernisation du pays, celle-ci étant in fine le seul rempart réel contre tous les extrémismes. La communication ainsi fixée devrait permettre de réduire la menace terroriste à ce qu'elle est, sans créer d'angoisse. Les autres sociétés l'ont intégrée car de toutes les manières, le terrorisme tue moins que les accidents de la circulation sans que les gens n'arrêtent de se déplacer. Le travail des sécuritaires est essentiel sans être décisif et réduire la lutte antiterroriste à un film de cow-boys est la pire des choses. La vraie lutte concerne les interprétations de l'Islam, les faux réflexes identitaires, les représentations manichéennes du monde. La faillite des élites se fait ressentir dans ce domaine plus qu'ailleurs. Nos intellectuels, s'il y en a encore, ont déserté ce combat par lâcheté ou impuissance. La presse, secouée un temps par le 16 mai, revient à ses errements. La pensée jihadiste contre cette tendance suicidaire, les sécuritaires ne peuvent rien. Leur approche de la communication ramenant le terrorisme à une histoire de lutte de réseaux participe de l'endormissement général.