Directeur du CRT - Casablanca, ancien Directeur à la RAM et fondateur de la compagnie Morocco Airways, Saïd Mouhid estime que les autorités aéronautiques marocaines ne peuvent exercer une veille financière sur les compagnies aériennes étrangères desservant le Royaume. Entretien. Aujourd'hui le Maroc : La compagnie aérienne Air Horizons vient de déposer le bilan. Quel commentaire faites-vous de cette actualité ? Saïd Mouhid : Le dépôt de bilan d'Air Horizons est un événement regrettable pour le monde du transport aérien. Il n'en était pas moins prévisible, eu égard aux conditions dans lesquelles cette compagnie avait vu le jour, un 31 décembre2003. Ce qui est très préoccupant par contre, c'est que ce dépôt de bilan s'inscrit dans une longue série de faillites de compagnies aériennes françaises, une vingtaine en moins de quatre ans. Quel impact ce dépôt de bilan aura-t-il sur le marché national ? Globalement, la déconfiture d'Air Horizons ne manquera pas d'avoir des répercussions sur le secteur du transport aérien au Maroc, car elle dessert à raison d'une douzaine de vols par semaines notre pays à partir du premier marché émetteur de tourisme vers le Maroc. Rappelons aussi que cette compagnie aérienne avait acquis le « statut » de compagnie « régulière », accordé par nos autorités aéronautiques dans le cadre des mesures de libéralisation du ciel, pour d'une d'une part les autoriser à opérer sur l'axe CasablancaParis et RabatParis, et d'autre part, leur permettre de construire un programme aérien pérenne et optimal et d'investir sur des capacités régulières et permanentes sur notre pays. C'était un témoignage d'encouragement et de confiance sur leur capacité à se développer. Faut-il également rappeler que ce statut leur a ouvert la possibilité de commercialiser leurs sièges au départ du Maroc et qu'il a surtout « rassuré » leurs fournisseurs et prestataires de services au Maroc, devenus moins «exigeants» que par rapport à une compagnie charter, à activité « conjoncturelle». C'est-à-dire ? C'est pour cela, sans pour autant que la causalité soit certaine, que la première conséquence de ce dépôt de bilan sera l'évaluation des « ardoises» que cette compagnie aura laissé au Maroc à ses differents prestataires. Le million de dollars semblerait une hypothèse basse… Certains prestataires ont, depuis le mois d'août 2005, entamé une action en justice qui a abouti à la saisie conservatoire des comptes bancaires d'Air Horizons au Maroc, voire de leur fonds de commerce. La presse en fait écho aussi régulièrement malgré les démentis désespérément peu creux et peu crédibles de leur représentation au Maroc, dont le jeu était de gagner du temps» et «tromper les partenaires». cela est démontré aujourd'hui. L'autre aspect et aussi la grande question consécutive à ce dépôt de bilan concerne le volet «transport RME» puisque Air Horizon était transporteur unique de la clientèle de Safar Tours Paris. Cette agence de voyages s'est en effet spécialisée dans le transport de nos ressortissant en France et traite environ près de 100.000 clients annuellement au départ de Paris, particulièrement sur Casablanca, Oujda, Agadir mais aussi Rabat, Fès, Tanger ou Essaouira. Cette agence a été également rachetée en 2004 par le groupe dirigé par Raymond Lakah, immédiatement après l'acquisition d'Euralair Horizons. Aujourd'hui, et à l'heure où nous parlons, les vols de Safar tours sur le Maroc subissent déjà les conséquences des créances impayées par Air Horizon. Le transport de nos RME ne peut nous laisser indifférent et les difficultés auxquelles ils font face en ce moment en raison des perturbations et des blocages des vols rejaillissent aussi malheureusement sur notre pays, leur pays. C'est une question qui doit être solutionnée rapidement, nos RME ne peuvent, ne doivent en aucun cas faire les frais d'une «catastrophe programmée». On aurait dû anticiper car le dépôt de bilan était «annoncé» depuis plusieurs mois. Certes, les propriétaires de Safar tours et d'Air Horizons pensaient probablement qu'une fois Air Horizon « liquidée», et les créances des fournisseurs bloquées suite au dépôt de bilan , transfèreraient le portefeuille de leurs clients Safar à une autre compagnie aérienne française, «Stars Airlines» , également prise sous le contrôle de Raymond Lakah depuis quelques mois . Mais, cette stratégie, du moins pour le Maroc, a été dévoilée dans la presse et les autorités aéronautiques marocaines sont très vigilantes là dessus. Une veille financière n'était-elle pas possible de la part des autorités ministérielles de tutelle ? Difficiles pour les autorités d'un pays desservi par une compagnie aérienne étrangère de faire ce genre contrôle financier. Cette veille est du ressort des autorités des pays dont la compagnie est originaire. S'agissant des pays desservis, leur rôle est plus particulièrement porté sur une veille sécurité en matière d'état de navigabilité des avions, de conformité de documents techniques, d'assurance et de contrôle des équipages. Dans le cas de la France, le Conseil supérieur de l'aviation marchande est justement chargé de veiller sur la fiabilité financière des compagnies aériennes portant pavillon de ce pays. De nouvelles dispositions réglementaires intervenues cet été stipulent clairement que lorsque le déficit d'une compagnie dépasse le triple de son capital, la licence d'exploitation peut être retirée (CSAM). D'après les informations qui ont circulé, Air Horizons enregistrait un déficit de 18 millions d'euros par rapport à un capital de 3,3 millions. C'est pour cela que cette compagnie a été convoquée le 9 courant pour justifier sa capacité financière. A l'issue de cette audience, sa licence d'exploitation a été prorogée de deux mois en attendant qu'elle présente de nouvelles garanties financières.