Dix ans après la fin de l'apartheid, le rugby sud-africain continue à donner l'image d'un sport hanté par le racisme et révélateur des divisions entre la majorité noire et la minorité blanche traditionnellement associée à cette discipline, à en croire un sondage publié mercredi en Afrique du sud. Plus que dans tout autre sport populaire en Afrique du sud, le rugby est perçu par plus de la moitié des adultes comme un sport où le racisme est une réalité très présente, révèle le sondage réalisé au profit du premier quotidien économique du pays "Business Day". Les résultats de cette enquête, rendus publics au lendemain de la journée de réconciliation commémorée mardi, attestent que 41 pc des Noirs considèrent le rugby comme un sport "très raciste" contre seulement 14 pc des Blancs. Cet avis est plus dominant dans les villes que dans les zones rurales et parmi les hommes plus que chez les femmes. Paradoxalement, le racisme est perçu différemment dans le premier sport populaire du pays, le football. Un sud-africain blanc sur cinq (sur une minorité blanche d'environ 4 millions) considèrent le football comme "très raciste" contre seulement 4 pc des Noirs qui représentent la majorité des 45 millions d'habitants d'Afrique du sud, ajoute la même source. Selon "Business Day", le Rugby sud-africain souffre d'une "crise d'image" qui appelle à une accélération du processus de transformation. Les autorités sportives multiplient les compagnes pour faire du sport en général un outil de réconciliation et de confirmation de la nation "Arc-en-Ciel" sud-africaine mais des cas de racisme et d'exclusion, notamment contre les sportifs de couleur, viennent rappeler le lourd héritage du passé. En 2002, l'ancien ailier de couleur Chester Williams est venu écorner, dans une autobiographie, l'image "Arc-en-ciel" des Springboks champions du monde en 1995, révélant les tourments raciaux persistants des Noirs dans ce sport. "Il était difficile d'être accepté comme un simple joueur de rugby: soit on était un produit du développement (filières destinées à accélérer l'éclosion de joueurs noirs), soit un joueur-quota, soit un sélectionné pour la photo", écrit-il dans "Une biographie de courage". Plusieurs cas de racisme ont été en outre soulevés dans un rapport du responsable de presse des Springboks, Mark Keohane, qui a démissionné en septembre dernier de son poste en dénonçant la volonté des autorités du rugby d'étouffer ces cas.