Les fidèles, et plus particulièrement ceux du Moyen-Orient, font une grande confusion entre «Iftaa» et «Irchad». ALM a consulté un membre du Conseil supérieur des oulémas pour en savoir plus. Et lever les amalgames. La Commission chargée de l'Iftaa est l'une des commissions qui composent le Conseil supérieur des oulémas. Ce dernier est présidé par Sa Majesté le Roi Amir Al Mouminine Mohammed VI et prévoit un poste de secrétaire général. Cette fonction est assumée actuellement par Mohamed Yecef qui a d'ailleurs présenté au Souverain, vendredi 21 octobre 2005, la Fatwa (consultation canonique) sur l'intérêt temporel (Maslaha Musalah). La Commission chargée de l'Iftaa est composée de 16 personnes sur les 46 membres du Conseil supérieur des oulémas. Une femme y est représentée en la personne de Mme Fatima Kabbaj. Selon un membre du Conseil supérieur des oulémas, la mission de la Commission chargée de l'Iftaa est clairement encadrée par le dahir qui l'institue aux côtés des autres commissions. Elle a été instaurée pour mettre fin à l'anarchie qui régnait jusque-là dans le domaine de la Fatwa et éviter que l'on se joue du présent et de l'avenir de la Nation. Il en veut, pour exemple de cette anarchie, les retombées désastreuses de la Fatwa de quelques oulémas sunnites en Irak qui avaient appelé au boycott des élections et qui ont fini par s'apercevoir du degré de dangerosité de leur avis. Selon ce membre du Conseil supérieur des oulémas, il est grand temps de faire une distinction de taille entre « Fatwa » et « Irchad » (à prendre plutôt dans le sens d'enseignement). Cette dernière catégorie (Irchad) englobe quelques enseignements utiles dans la vie de tout fidèle. Manière, par exemple, de se renseigner sur la zakat, les ablutions… Ce sont des informations, indique notre interlocuteur, qui peuvent être obtenues en consultant l'imam d'une mosquée, voire la ligne verte mise en place par les services du ministère des Habous et des Affaires islamiques. Dans ce cas, l'on ne pourrait parler de « Ijtihad » (jurisprudence) car tout est codifié, consigné dans le Coran et les propos du Prophète. Toutefois, la Fatwa intéresse un éventail plus étendu puisqu'elle implique la communauté. « Les Fatwas sont des opinions légales concernant les affaires publiques touchant la communauté dans sa totalité », précise notre interlocuteur qui affirme que, dès lors, l'on est loin des initiatives individuelles. « Une initiative individuelle, comme vous êtes censés le savoir, est plutôt une opinion qui ne saurait en aucun cas engager la communauté », précise le alem. Dans le cas de la Commission de l'Iftaa, on passe des initiatives individuelles à un stade institutionnel. Et l'on pourrait parler du travail de cette instance comme on le ferait pour le Conseil constitutionnel par exemple où le travail est fait de manière collégiale coupant court aux interventions individuelles. D'ailleurs, même les 16 membres de la commission de l'Iftaa ne sont pas appelés, de par son règlement, à travailler dans quelque obscur recoin du Conseil supérieur des oulémas loin de la communauté. Instance d'expertise, elle a la possibilité, et parfois l'obligation, de faire appel à l'expertise d'autres intervenants extérieurs pour mieux mener son travail. Qui est habilité à saisir cette Commission ? Un large éventail en effet et même une personne, mais à cette condition expresse que l'objet de la Fatwa intéresse la communauté entière et qu'il ne relève pas de l'«Irchad». A cette condition, un individu peut saisir la commission de l'Iftaa, mais aussi une instance gouvernementale ou une ONG quand ce n'est pas un avis du président du Conseil supérieur des oulémas Sa Majesté le Roi Mohammed VI. C'est à Amir Al Mouminine que revient d'ailleurs la décision définitive de promulguer la Fatwa. Pour résumer, entre «Fatwa» et «Irchad» réside une question d'échelle qui n'est pas toujours évidente pour les fidèles abreuvés, à longueur de journées, d'émissions télévisées et de publications ayant trouvé en la matière un vrai filon.