Moulay Driss Mandre a, assurément, été contaminé par le syndrome de la vitesse à un âge très bas. La combinaison de course est sa tenue préférée, le timbre des pistons sa mélodie privilégiée. Entretien à bâtons rompus avec un pilote-né. ALM : La moto, le kart, l'automobile, le ski nautique, la Formule1 des mers... on ne sait plus où donner de la tête. Quelle est donc votre histoire avec les sports mécaniques ? Moulay Driss Mandre : C'est très simple, je suis tombé amoureux du sport mécanique depuis que j'étais gosse, je devais avoir 6 ans. Tous les jours, je voyais un jeune passer avec une toute petite moto, et donc je rentrais en pleurant. Alors j'ai dû pleurer jusqu'à l'âge de 11 ans ! J'obtiens donc ma première moto, une Honda MT5, mais il faut dire que je m'étais déjà initié sur des engins plus puissants, une Yamaha YZ 80 par exemple, je devais avoir 7 ou 8 ans. J'étais donc en possession de ma première monture. Mais je faisais trop de bêtises et j'étais tout le temps blessé. Mes parents en ont eu assez et ils l'ont vendue. J'ai recommencé à pleurer mais pas pour longtemps. À 15 ans, j'ai eu une vraie moto de compétition, une RM 125 qui développait 40 chevaux. J'ai commencé la compétition et j'avais un très bon niveau, mais mes parents étaient contre l'idée que je fasse de la course. Ça tombait mal car j'ai fait une chute et j'avais le genou en piteux état. Je sors de la clinique et là c'est fini, plus de moto. Je pars faire mes études en France où je me suis calmé pendant 4 ans. De retour au pays, c'est l'appel du sport mécanique qui ressurgit, je me mets alors au kart durant 2 ans, j'ai d'ailleurs participé à une course internationale, «Les 24h de Marrakech». Je voulais acheter une voiture de course, mais ma famille s'est mise en travers de cette aventure. J'ai dû la commander sans leur dire un mot et quand je l'ai reçue, en décembre 2002, ils étaient devant le fait accompli et ont fini par accepter, quoique ma mère ait assisté à une seule course, ça l'avait tellement traumatisé qu'elle n'a plus remis les pieds sur un circuit. Actuellement, je suis classé parmi les trois premiers dans la catégorie M3, la plus puissante qui soit en Championnat national. Sinon, j'ai reçu un appel téléphonique anonyme au début de l'année, j'étais à Tanger, on me proposa un volant en off-shore. Je pensais que c'était une blague, je ne connaissais pas la personne et j'ai raccroché. Il m'a rappelé et m'a dit que c'était sérieux et que ma chance risquait de passer si je ne me présentais pas illico presto à Casablanca. J'ai foncé tête baissée, j'ai rencontré le promoteur et c'était parti pour le Powerboat. Avez-vous un passé avec une discipline similaire ? Oui, enfin, pas à la course en bateau mais depuis l'âge de 6 ans, je faisais du ski nautique, nous étions entre frères et nous devions prendre le volant à tour de rôle pour tirer les autres... Mais on ne peut comparer un «vulgaire» zodiaque avec a un monstre des mers qui atteint les 190 km/h en quelques secondes ? Vous avez raison, on ne peut pas faire de comparaison, mais le concept est le même, sauf que ça va trop vite et quand vous avez la fièvre de la vitesse, le plaisir est décuplé. Figurez-vous que j'avais 10 ans lorsque j'ai eu mon propre zodiaque, avec un moteur de 15 chevaux. Là où je passais mes vacances, il y avait deux zodiaques, le mien et celui de la protection civile. Lorsque quelqu'un se noyait, ils allaient le chercher. Quand il y avait de grosses vagues et que c'était dangereux, on m'appelait à la rescousse. Je conduisais et le sauveteur s'occupait du noyé. Parfois, nous avions eu des mésaventures. À deux reprises, le bateau s'est retourné, mais on s'en sortait sans trop de dégâts. Comment avez-vous effectué vos premiers pas en sport automobile ? Mes débuts étaient à Tanger. La voiture était très mal réglée et je n'avais pas la main comme maintenant. Il y avait beaucoup de pression, les pilotes roulaient comme des malades et les gens traversaient la chaussée en pleine course, comme si de rien n'était. C'était impressionnant. Après on en apprend un peu plus, de jour en jour. Là je viens juste de boucler une saison. Là vous passez à la vitesse supérieure au volant d'un bateau de course, ça vous fait quoi ? C'est une sensation qui n'a pas de qualificatif. C'est une injection d'adrénaline pure, c'est à vous couper le souffle. Vous vous retrouvez à 180 km/h, vous sautez sur une vague et vous ne savez pas si vous allez amerrir sur la coque ou sur la tête. Le bateau se retrouvait parfois à la verticale. C'est hallucinant. Ça fait quel effet d'être le premier Marocain à évoluer en Championnat du monde de Powerboat ? Je suis très content de représenter le Maroc, c'est clair, mais j'ai un petit goût d'amertume car personne ne me suit. C'est un sport qui coûte excessivement cher et je n'ai pas de sponsors. Je crois que je ne serais pas présent lors de la prochaine course. Je trouve que c'est malheureux pour quelqu'un qui représente dignement son pays, car actuellement je suis premier au classement général et là je suis contraint d'abandonner. Dans tout ce capharnaüm mécanique, avez-vous une préférence pour une discipline déterminée ? Au fait, j'ai une certaine préférence pour la voiture, elle procure beaucoup de sensation. Certes, le bateau est plus prestigieux vu que c'est un Championnat du monde. La moto aussi c'est génial. Bref, tout ce qui possède un moteur et qui atteint des vitesses vertigineuses est génial.