Le 13 février 2004, Abdelâziz Laâfora et Abdelmoughit Slimani seront arrêtés. Plus d'un an et demi après, l'affaire impliquant les deux ex-patrons de Casablanca connaît de nouveaux rebondissements. Retour sur un scandale pas comme les autres. Le 13 février 2004 avait fait date pour les Marocains. Non seulement parce que ce jour-là marque la défaite de l'équipe nationale de football, lors du match final de la CAN 2004 face à la Tunisie, mais aussi parce qu'il coïncide avec l'arrestation de deux hommes de pouvoir considérés jusque-là comme invulnérables. Abdelâziz Laâfora et Abdelmoughit Slimani, qui sont en cause, n'auront jamais cru non plus qu'ils tomberont un jour en disgrâce. Respectivement ex-gouverneur de la préfecture Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi, et ex-président de la Communauté urbaine de Casablanca, MM. Laâfora et Slimani seront entendus, au lendemain de leur arrestation, par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Le 16 février, ce sera au tour de la justice de se charger du reste. Preuve de la gravité de l'affaire, les deux suspects seront transférés devant la Cour spéciale de justice à Rabat ; le dossier est supervisé par le procureur général Abdellah Hammoud, puis sera confié à Jamal Serhane, juge d'instruction réputé pour sa maîtrise profonde de ce genre d'affaires. Rappelons que c'est ce juge qui avait instruit l'affaire épineuse de la Banque populaire, celle de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS), mais aussi de la dernière commission rogatoire dans l'affaire Ben Barka. Lui confier celle de Laâfora-Slimani revenait à supposer la complexité et l'extrême gravité des deux hommes liges de l'ex-ministre de l'Intérieur, Driss Basri. Dans le dossier d'instruction, plusieurs chefs d'accusation sont retenus contre eux : dilapidation de deniers publics, abus de pouvoir en passant par faux et usage de faux, abus de confiance, etc… Entre autres méfaits, celui des malversations sur les projets immobiliers de «Oulad Ziane» et «Al Fouarate» reste le plus grave. Président de la commune des Roches Noires, Slimani mettra tout son poids pour attribuer les marchés pour la construction de ces deux complexes de logements sociaux à des sociétés appartenant à un entrepreneur de sa connaissance, en l'occurrence Boujemaâ Youssfi. «Somebi», «Sonatiba» et «EMBA», entre autres sociétés, sont pointées d'un doigt accusateur. Présupposées pour la réalisation desdits projets de logements sociaux, ces sociétés ne le feront que sur… papier ! En réalité, cela ne fut que de la pure fiction. Reste maintenant à s'interroger sur le «sort» des 153 millions de dirhams, débloqués de l'escarcelle de l'Etat pour la réalisation des projets de logements sociaux. L'enquête a révélé que cette somme avait été empochée par Youssfi, avec la bénédiction de son associé Slimani. Autre affaire à mettre sur le passif de ce dernier, le détournement de 300.000 euros versés en 1997 par la mairie de Bordeaux à la Communauté urbaine de Casablanca (CUC) pour la mise à niveau de l'Ecole municipale des Beaux Arts de Casablanca. M.Alain Juppé, ex-Premier ministre français et maire UMP de cette ville, aurait envoyé une lettre à son homologue de Casablanca Mohamed Sajid, dans laquelle il s'interroge sur le devenir de cette somme. Face à ces dépassements à répétition, surgit une question : Au nom de quelle « autorité» Slimani a pu se permettre tout cela ? Evidemment, Slimani n'aurait pu en arriver là s'il n'y avait pas eu un gros protecteur. Beau-frère de Driss Basri, il avait sans doute le parapluie de l'ex-ministre de l'Intérieur. Autant qu'Abdelâziz Laâfora, dont la promotion sociale fut aussi rapide qu'étonnante. De simple inspecteur à la CNSS, ce dernier sera propulsé par Basri président de la commune d'Aïn Sebaâ et, plus encore, gouverneur de la préfecture Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi. Le nom de ce suspect est impliqué, entre autres dossiers, dans l'affaire de la construction du siège de la préfecture Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi (dont le cinquième étage n'a encore et toujours pas d'existence, contrairement à ce que prévoit le plan du projet !). Il est accusé d'avoir attribué ce marché (de gré à gré) à l'investisseur suisse, Jean-Victor Lovat.