Avec l'incarcération de l'ex-président de la communauté urbaine de Casablanca (CUC), Abdelmoughit Slimani, c'est tout un symbole dans la gestion heurtée des communes qui est traduit devant la justice. Portrait. Qui aurait pu imaginer, il y a juste quatre ou cinq ans que des personnages comme Abdelmoughit Slimani peuvent être arrêtés, poursuivis et jugés comme le commun des mortels ? Décidément, le Maroc change. L'Etat de droit s'installe et les citoyens sont désormais égaux devant la justice. Avec la mise en état d'arrestation de l'ex-président de la communauté urbaine de Casablanca et de la commune urbaine des "Roches Noires" en compagnie d'autres ex-responsables de la capitale économique, c'est tout un chapitre de la vie politique marocaine qui ressurgit sur la scène nationale. Il s'agit des pages "économiques" de la gestion territoriale dirigée par l'ex-ministre de l'Intérieur, Driss Basri. En effet, Abdelmoughit Slimani, aujourd'hui écroué sur décision du juge d'instruction près la Cour spéciale de justice, n'est autre que le beau-frère de l'ex-homme puissant du pays et l'un de ses disciples les plus proches. Un homme que Driss Basri avait adopté et propulsé afin de diriger la plus grande ville du Royaume. L'histoire remonte au moment où l'ex-ministre de l'Intérieur épouse la sœur de Slimani alors petit fonctionnaire à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Ce fut le début de toute une histoire qui transformera le simple fonctionnaire en magnat de Casablanca. Cela commence avec l'adhésion de Slimani, au début des années 1980, à un nouveau parti qui venait à peine d'être créé. L'Union Constitutionnelle (UC), alors dirigée par feu Maâti Bouabid, accueillit dans ses rangs le protégé de Basri et lui accorde son accréditation aux élections communales, puis législatives. D'un seul coup, Abdelmoughit se découvre au centre de la vie politique locale à Casablanca dont il assume au début la présidence de la commune urbaine des "Roches Noires", puis député de la nation à la Chambre des représentants. En parallèle, c'est une autre ascension qu'il vivra : celle de devenir le patron de la CNSS. Mais, l'année de toutes les gloires pour Slimani sera incontestablement 1992. En cette année, il deviendra le patron de la capitale économique. Il sera élu président du conseil de la Communauté Urbaine de Casablanca (CUC). N'étant soumis à aucune autorité de contrôle vu ses relations familiales avec l'ex-ministre d'Etat à l'Intérieur, Slimani s'associe à un autre homme fort de Casablanca : Abdelaziz Laâfora, alors gouverneur de la préfecture de Aïn Chock et proche collaborateur de Driss Basri. Les deux hommes vont se consacrer à créer une trame de protégés et d'alliés dans le but de servir leurs intérêts personnels et de s'enrichir aux dépens du contribuable. C'est d'ailleurs, l'une de leurs affaires qui finira par les conduire devant le juge d'instruction de la Cour spéciale de justice. Ultime étape dans la chronologie d'un déclin annoncé qui commença avec le limogeage de son protecteur en novembre 1999. La destitution de l'ex-ministre de l'Intérieur par SM le Roi juste quelques mois après son accession au Trône, privait le président de la CUC de sa source de force voire même de sa raison d'être à ce poste. La preuve : quelques mois plus tard, le 21 septembre 2000, il était démis de la présidence du Conseil de la Communauté Urbaine de Casablanca. Il se maintient pourtant à la tête de la commune urbaine des Roches Noires où il se replie préférant se consacrer plus à ses affaires personnelles en attendant le passage de la tempête. Mais, ces tourmentes n'allaient pas s'arrêter au niveau de son action communale. En février 2002, le scandale des détournements et des malversations au sein de la CNSS éclate et il sera auditionné sur sa responsabilité dans ce dossier. Aujourd'hui, c'est suite à une plainte déposée par l'une de ses présumées victimes, un investisseur étranger de nationalité suisse, que les enquêteurs de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) découvrent l'une des trames les plus complexes de corruption mise en place par les proches de l'ex-ministre de l'Intérieur. Le dossier est consistant et promet d'être à l'origine de plusieurs révélations durant les différentes étapes du procès sur le parcours d'un ex-homme puissant. Itinéraire à suivre.