Le délogement des habitants de la Cité de l'air jouxtant l'aéroport Casa-Anfa a commencé. Trois familles ont déjà délogées manu militari jeudi 8 septembre. Ces dernières vivent une grande détresse. Drame à la Cité de l'air à Casablanca! Le délogement forcé de trois familles, jeudi 8 septembre 2005, par les forces de l'ordre en exécution d'un jugement du tribunal datant du 26 juillet dans l'affaire opposant l'Office national des aéroports (ONDA) aux habitants de cette cité. Près de 70 autres familles sont vouées au même sort attendant l'application du jugement les concernant dans les semaines à venir, les autorités ayant préféré les laisser vivre un dernier Ramadan dans les maisons qui les ont abritées durant de nombreuses années. «Ce n'est qu'une injustice réparée », résume Abdelhanine Benallou, directeur général de l'ONDA qui précise que ces maisons ont été illégalement occupées. Mais depuis les scènes de jeudi dernier, un climat de tension règne dans cette zone de la métropole désormais ouverte à l'urbanisation. Le site, d'une superficie totale de 380 hectares, connaîtra une transformation radicale. Détenue à hauteur de 100 ha par l'Office des aéroports et 280 ha par les Forces Armées Royales, cette assiette foncière aiguise les appétits. De nombreux investisseurs ont d'ailleurs exprimé leur souhait d'acquérir cette parcelle hautement stratégique de la capitale économique du Royaume. A leur tête un groupe qatari que les rumeurs de plus en plus persistantes donnent comme prochain aménageur de cette zone. Une commission a d'ailleurs vu le jour au sein de la wilaya du Grand Casablanca à cet effet et dans laquelle siègent des représentants de la Mairie de Casablanca et de l'ONDA. Objectif: formuler un projet intégré qui associerait habitat social, résidentiel, infrastructures de loisir ou encore centres d'affaires. Les études ont d'ores et déjà été lancées, surtout après la nomination du nouveau wali de Casablanca, Mohamed Kabbaj qui a accéléré le processus. Trois options sont envisageables à ce stade d'avancement du projet, nous confie une source proche du dossier. Elles concernent toutes l'aménagement de ce site appelé à transformer le visage de la métropole. La première se rapporterait à un aménagement par l'une des filiales de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), dont l'expérience dans le domaine n'est plus à démontrer. La seconde option serait de confier cet aménagement à un opérateur public, le Holding Al Omrane alors que la troisième serait de confier le projet à un promoteur immobilier privé d'envergure. Pour l'aéroport d'affaires, prévu initialement sur le site de l'aéroport de Casa-Anfa en remplacement de l'ancien projet de « Business Airport » lancé en mai dernier, l'ONDA étudie deux scénarios possibles. Le plus probable porte sur le transfert de l'aviation légère à l'aéroport Mohammed V avec une aile spécifique ainsi qu'une nouvelle piste à aménager. Le second scénario prévoit un déménagement de l'activité affaires à Tit Mellil, mais il s'agit-là d'une option peu probable vu que les études préliminaires ont fait état de contraintes géographiques difficiles à surmonter. En attendant que tous ces beaux projets voient le jour, le problème des dizaines de familles qui habitent la Cité de l'air demeure posé. Des familles qui, du jour au lendemain, se sont retrouvées sans toit pour les abriter. « Tout ce qu'on possède est resté à l'intérieur. Je n'ai plus rien. Nous sommes devenus en une fraction de seconde des SDF (sans domicile fixe): l'avenir est désormais sombre pour moi, mon mari et mes enfants. Nous sommes en train de vivre une période pénible », raconte cette jeune mère les larmes aux yeux. Son époux travaillant à l'Office national des aéroports (ONDA) en tant qu'agent de la Direction de météorologie nationale abonde dans le même sens. « Cela fait plus de 15 années que je loge dans cette maison. Comment voulez-vous que je cherche un autre logement alors que nous n'avons reçu le pré-avis que la semaine dernière !? », s'interroge-t-il. Depuis une semaine, ces trois familles sans défense se sont retrouvées dans la rue avec, comme seul mobilier, quelques couvertures prêtées par des voisins. « Nous passons la nuit devant la porte de ma maison cadenassée par les forces de l'ordre. Une maison que j'habite depuis 33 ans et dans laquelle j'ai vu grandir mes enfants. Ma vie a basculé tout d'un coup dans un cauchemar ! », lâche cette mère de quatre enfants, profondément troublée par ce brusque changement dans sa vie. Et d'ajouter : « l'opération de délogement a connu un affrontement entre nous et les forces de l'ordre. Certains en gardent toujours les séquelles ». • Atika Haïmoud et Fadoua Ghannam