Maître Abdelfatah Dakkar est le représentant des habitants de la Cité de l'air à Casablanca. Jusqu'à aujourd'hui, trois familles ont été délogées tandis que les autres attendent de subir le même sort. Entretien. ALM : L'opération de délogement à la Cité de l'air a débuté la semaine dernière. Comment les habitants vivent-ils cette situation ? Me. Abdelfatah Dakkar : Vous savez, le fond du problème réside dans le fait que ces familles logent ici depuis plus de 30 ans. Certains y résident même depuis 40 ans. Il y a dans la Cité de l'air 70 familles et près de 350 personnes. Tous ces gens-là se retrouvent maintenant contraints de quitter leurs maisons et à chercher ailleurs. Il faut noter aussi que 70 % de ces pères de familles travaillent toujours à l'aéroport Casa-Anfa. Les 30 % restants représentent les retraités ainsi que les veuves. Le spectacle est désolant : ce sont maintenant trois familles qui ont fini par être jetées dans la rue. Les autres attendent leur tour, la mort dans l'âme. Le délogement de ces familles fait suite à une décision de justice. Quelle est la partie plaignante ? L'Office nationale des aéroports (ONDA) a déposé une plainte selon laquelle, ces familles occupent d'une manière illégale ce terrain jouxtant l'aéroport Casa-Anfa. D'une manière précise, la plainte formulée par l'ONDA a été déposée contre 23 familles. Jusqu'à aujourd'hui, l'exécution du verdict n'a concerné que trois d'entre elles. Ces dernières n'ont été informées de cette décision que seulement huit journées avant le passage à l'acte forcé. L'opération de délogement a vu l'intervention des forces de l'ordre qui les ont expulsées de chez-elles manu militari. Quelle est la réaction de l'ONDA à propos de ce sujet ? La réaction des responsables de l'ONDA a été claire et nette. En fait, ils n'ont cessé de répéter, depuis le début du procès, que ces familles occupent illégalement ce terrain, arguant que la décision de donner des logements à ces fonctionnaires de l'ONDA et de la direction de la météorologie nationale a été prise par l'ancienne direction. C'est ainsi que la justice a dit son mot, le 26 juillet dernier, et a ordonné aux familles d'abandonner leurs maisons au plus tard le 8 août dernier. Si trois familles sont aujourd'hui dans la rue, le sort des autres a été retardé à cause de la rentrée scolaire et de l'approche du mois de Ramadan. Après ce délai, les 70 familles de la Cité de l'air devront toutes quitter leurs maisons. A votre avis, quel est le projet qui verra le jour après cette opération de délogement ? Cette opération de délogement est la phase préparatoire d'un ambitieux et grand projet dans la Cité de l'air. Et ce n'est un secret pour personne. Il s'agit d'un énorme projet immobilier et touristique, mené par une société connue dans ce domaine dans les pays du Golfe. Des gens proches du dossier estiment la vente de ce terrain à la coquette somme de 700 millions de dirhams. Il faut rappeler que ce projet prévoit également la fermeture définitive de l'aéroport Casa-Anfa. En bref, la Cité de l'air sera prochainement rasée pour laisser la place à une nouvelle ville. En tant que représentant de ces familles, comment comptez-vous réagir ? Nous avons tenté, à plusieurs reprises de pousser l'ONDA à acorder des indemnités aux familles concernées. Mais en vain. Pour calmer les habitants, le caïd est venu demander à chaque famille d'établir une fiche personnelle où l'on précisera les ressources financières ainsi que le nombre des enfants et leurs âges. On parle désormais de l'option d'habitat social pour ces gens-là. Mais ce que les responsables ignorent, c'est le faible revenu de ces familles. Comment peut-on croire qu'un fonctionnaire touchant 1600 dirhams par mois peut supporter une mensualité de 800 dirhams ? C'est inadmissible et c'est vraiment lourd à assurer pour ces familles de 4 à 6 enfants. C'est pour cette raison que nous réclamons des dédommagements à l'ONDA. De toute façon, cela ne représente rien par rapport à la valeur du projet futur.