Pour venger Nadia Yassine, un quinquagénaire, directeur d'une société d'informatique, divorcé et père de deux enfants, a menacé, au nom de la Jemaâ d'Al Adl Wa Ihssane, de déposer des bombes dans le siège de la deuxième chaîne à Casablanca. Nous sommes le mardi 2 août. Les pendules indiquaient 20h 15 mn. L'adjointe du directeur de la deuxième chaîne de télévision marocaine, 2M, Meriem. B était à son bureau quand la standardiste lui a envoyé un appel. Son interlocuteur cherchait à joindre le directeur général. «Il n'est pas là pour le moment, mais je suis son adjointe. Que puis-je faire pour vous monsieur.», lui a-t-elle répondu gentiment. Et l'homme qui était à l'autre bout du fil a lancé des menaces. « Je suis membre de la Jemaâ d'Al Adl Wal Ihssane», s'est-il présenté avant d'ajouter : «la chaîne 2M est loin de représenter notre pays musulman et le peuple marocain. C'est une chaîne qui encourage la débauche et le péché. Je tuerai ses journalistes, ses employés et je ferai exploser toute la chaîne». La chaîne de Aïn Sebaâ est sous le choc. Ces menaces terroristes sont-elles sérieuses ou s'agit-il d'une plaisanterie de mauvais goût ? La direction de la chaîne n'est pas restée les bras croisés. Elle a déposé le lendemain matin une plainte auprès de la police. Et une enquête a été ouverte aussitôt par les éléments du premier groupe de la brigade criminelle préfectorale (BCP) de Casablanca. En vérifiant les appareils du standard téléphonique, ils ont remarqué que l'appel provenait d'un téléphone cellulaire dont le numéro commence par 074. Une recherche chez l'opérateur Méditel a révélé que son propriétaire est inconnu. Les enquêteurs ont alors relevé tous les numéros des appels envoyés et reçus par ce numéro. Parmi tant de numéros, ils ont pu ainsi tomber sur une certaine Mina, une domestique de vingt-huit ans, originaire de Taroudant. Convoquée et interrogée sur le propriétaire du numéro de téléphone incriminé, elle leur a répondu qu'il s'agit d'un homme quinquagénaire nommé Karim. Il lui a proposé, il y a une dizaine de jours, de l'emmener à sa destination à bord de sa voiture. La domestique a précisé qu'elle ignore son adresse et sa profession, mais qu'elle dispose de son deuxième numéro de téléphone portable commençant par 061. Après une minutieuse recherche, il s'est avéré qu'il appartient à un certain Al Alami Zahid et non pas Karim comme leur avait avancé la domestique. Il demeure à la résidence Riyad située à la rue Tarmidi, quartier Maârif, à Casablanca. Sans relâche, les limiers ont continué les investigations afin d'empêcher une éventuelle catastrophe. Ils se sont rendus aussitôt vers l'adresse précitée. Personne n'y était. Son propriétaire a disparu. Ceux qui le connaissent leur ont révélé l'adresse de ses parents et de sa sœur. Ces derniers ne l'ont pas vu depuis longtemps. Il ne leur rendait visite que rarement. Plus le temps passe plus le danger est imminent. Est-il véritablement l'homme qui a menacé 2M ? Seule l'arrestation d'Al Alami Zahid peut élucider ce mystère. Les recherches se sont poursuivies sans répit. Lundi 8 août, Al Alami s'est présenté à son plein gré devant la police. «C'est moi que vous recherchez», leur a-t-il lancé. «Pourquoi as-tu menacé la chaîne?», lui ont demandé les enquêteurs. «Pour porter atteinte à la Jemaâ d'Al Adl Wal Ihssane», leur a-t-il répondu. Étrange ! Ce fils d'un Mokadem de la Zaouia Boutchichia n'a jamais pensé être dans le gouffre d'une affaire criminelle. Né en 1953 à Beni Mellal, il a poursuivi ses études avec succès pour décrocher son baccalauréat à son dix-neuvième printemps. En 1972, il s'est inscrit à l'université de Bordeaux en France pour poursuivre ses études supérieures. Il a décroché une licence en science expérimentale et a regagné sa mère patrie pour se lancer dans le domaine de l'informatique. Il a toujours travaillé pour son propre compte puisqu'il a fondé trois sociétés d'informatique. Divorcé et père de deux enfants, il a déjà été condamné à des mois de prison ferme. Par ailleurs, sans appartenance politique, il est resté attaché à la Zaouia Boutchihiya. Cette dernière, a-t-il expliqué aux enquêteurs, s'attache avec loyauté et dévouement au Roi. Croyant aux défis que connaisse actuellement le Maroc, il n'a pas pu rester les mains croisées devant les dernières déclarations à la presse de Nadia Yassine, fille du Cheikh Abdeslam Yassine, chef de la Jemaâ d'Al Adl Wal Ihssane. Il voulait la mouiller dans une affaire de terrorisme. Pour mener à bien son «Jihad», comme le surnomme, il a établi une liste des établissements qu'il va menacer au nom de la Jemaâ d'Al Adl Wal Ihssane. Ensuite, il a acheté une puce de Méditel au «Joutéa» de Derb Ghallef et il a passé à l'action. Il a menacé d'explosion et d'assassinat le personnel de la chaîne de télévision marocaine, 2M et l'hôpital du Prince Zayed Ben Soltan à Rabat. Une plainte a été déposée effectivement par cet établissement sanitaire auprès de la wilaya de la sûreté nationale à Rabat. Il avait également l'intention de menacer la deuxième chaîne de télévision française, France 2. Seulement son plan a échoué. Le mis en cause s'est évanoui, mercredi dernier, suite à une crise d'hypertension. Il a été évacué aux Urgences de l'hôpital Ibn Rochd.