L'UMT donne de nouveau de la voix. Pour la Centrale de Mahjoub Benseddik, il ne saurait être question de supprimer le SMIG. Elle dit comprendre la conjoncture actuelle, mais ne partage pas l'analyse des patrons. Une sortie estivale sur un ton des plus fermes. L'UMT (Union marocaine du Travail) donne de nouveau de la voix et, cette fois, l'enjeu semble être de taille puisqu'il s'agit du SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti) au cœur d'une polémique entre syndicats et patronat ces dernières semaines.La réplique de l'UMT est sans appel. Pour les amis de Benseddik, supprimer le SMIG pour le remplacer par des minima sectoriels ou régionaux, comme le laisseraient deviner les campagnes menées actuellement par les patrons, ne saurait être justifié par la concurrence étrangère menaçant la compétitivité nationale. L'UMT dit partager l'inquiétude de ces derniers, mais n'en partage pas, pour autant, l'analyse de la situation. Les solutions préconisées par les patrons sont jugées « fausses et dangereuses » dans un document en dix points élaboré par la Centrale syndicale. Imparable semble être le raisonnement renvoyé à la face des patrons. L'UMT juge dans ce sens que le SMIG n'était pas le seul facteur de l'investissement et moins la seule condition de la compétitivité. Sinon, argumente la centrale syndicale, les pays les moins avancés seraient devenus les premiers pays récipiendaires de l'investissement étranger et plus encore : les premiers fournisseurs des marchés étrangers. Et de hausser encore le ton pour affirmer, de manière catégorique, qu'une régionalisation ou sectorisation des salaires de base reviendraient à « casser la signification interprofessionnelle et le caractère national du minimum de décence que la loi garantit dans la définition du revenu de ceux qui travaillent ». S'adressant cette fois aux pouvoirs publics, l'UMT affirme qu'il revient à ces derniers de définir un minimum de pouvoir d'achat capable de protéger la sécurité et la cohésion de la société. Cette même cohésion, selon l'UMT, qui était une menace réelle pour les colons français qui avaient vite fait d'instaurer un SMIG régional. Chiffres à l'appui cette fois, le syndicat affirme que plus de 40% des salariés déclarés à la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale) perçoivent une indemnité mensuelle en deçà du minimum légal. Il en découle alors que remettre en question le SMIG serait une légitimation de la concurrence déloyale qui fait déjà beaucoup de mal et à l'économie et aux entreprises nationales.Pour l'UMT, la phase complexe que traverse le Maroc appelle plutôt des réformes « courageuses, fondamentales et sans démagogie ». Réformes qui passeraient par le rétablissement de l'autorité de la loi et la fin des privilèges et des exemptions sur les cotisations sociales, les obligations fiscales…, selon les propres termes de ce syndicat. Ce dernier juge qu'il était plutôt urgent de rétablir la « confiance populaire » qui devrait compter avant tout autre chose et profiter, de manière adéquate, des ressources humaines et naturelles qu'offre le pays. Tout cet argumentaire pour en arriver à l'essentiel. Un appel de l'UMT à destination et des chefs d'entreprises et des pouvoirs publics pour ne pas «se tromper d'objectif», car, déclare l'UMT, le démantèlement du SMIG ne serait qu'une «fuite en avant dans la sous-enchère et la précarité sociale pour toute la population». Revenant encore à la charge pour s'élever contre ce qui est qualifié par une «logique de sous-développement», la Centrale de Benseddik rappelle l'urgence d'une reprise des négociations collectives pour la définition de plans de croissance où régnerait la confiance. Et qui garantiraient, surtout, aux travailleurs de claires perspectives sur leurs droits à un revenu décent et une participation équitable aux revenus et aux richesses, souligne l'UMT. Un appel qui laisse deviner ce que pourrait réserver la puissante Centrale comme «surprises» pour le patronat et les pouvoirs publics. Samedi dernier, c'était l'Alliance pour les droits des travailleuses (composée de plusieurs syndicats et ONG des droits de l'Homme), rendait public un communiqué où elle s'élève contre l'intention, prêtée au Premier ministre, d'émettre prochainement une circulaire remettant en cause le SMIG et le montant des indemnités de licenciement abusif. Pour ce collectif, il est scandaleux de revenir, via une circulaire, sur des droits garantis par le code de travail et ses textes d'application. Pour cette Alliance, les pouvoirs publics doivent observer une certaine cohérence du moment qu'auparavant, le 16 mai 2005, le Ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle avait précisé que le taux du SMIG sur lequel les partenaires sociaux et le gouvernement se sont mis d'accord, ainsi que la réduction des heures de travail hebdomadaires sans réduction de salaire, étaient des «décisions irrévocables». La réduction du temps de travail (RTT, 44 heures par semaine) a été à l'origine d'un «pan» de l'actuelle polémique. Les syndicats jugent que cette réduction ne doit pas remettre en cause l'indemnité calculée sur la base de 48 heures. Pour leur part, les patrons jugent qu'il est de leur droit de ne verser que les indemnités équivalant aux 44 heures travaillées par semaine. Résultat des courses, on se retrouve avec les fameux 84 centimes de la discorde. Et surtout avec le gouvernement et le patronat appelés à clarifier les choses. En juin dernier, Hassan Chami, patron des patrons, avait donné le ton en effectuant des déplacements dans plusieurs régions du Maroc. Périple durant lequel il a prêché l'adoption d'un SMIG régional adapté aux réalités de chaque région. La polémique, avec l'entrée «cinglante» en scène de l'UMT, ne fait que commencer.