Le nouveau Premier ministre libanais, Fouad Siniora, a annoncé la formation d'un cabinet de 24 membres. Le mouvement chiite Hezbollah a, pour la première fois, décroché un ticket d'entrée au gouvernement. A l'issue de trois semaines de négociations, le Liban s'est enfin doté de son premier gouvernement de l'ère post-syrienne. Un cabinet qui inclut et pour la première fois le Hezbollah chiite. Mohammad Fneich du mouvement radical Hezbollah, dont les relations avec les Etats-Unis ne sont guère courtoises, a obtenu le poste de ministre de l'Energie et des Ressources hydrauliques. L'intégration d'un membre du Hezbollah n'a pas enchanté les Américains. En effet, ils ont déclaré mardi qu'ils ne souhaitaient pas avoir de contact avec un membre du cabinet libanais appartenant au Hezbollah. Une déclaration qui n'a surpris personne vu que les Etats-Unis considèrent ce mouvement comme terroriste. Le port-parole du département d'Etat américain, Adam Ereli, a affirmé que la politique américaine à l'égard du Hezbollah n'a pas changé. «Si des membres actifs d'une organisation terroriste étrangère sont présents dans le gouvernement libanais, prendre contact avec eux serait illégal», a-t-il souligné. Cependant, M.Ereli a ajouté que cette position ne devrait pas entraver les relations entre les USA et le gouvernement libanais. Toutefois, la participation du Hezbollah pro-syrien au cabinet du Premier ministre Fouad Siniora est compensée par le fait que cette équipe de 24 membres est dominée par des adversaires de Damas. Ceci reflète, en effet, les résultats législatifs de juin qui ont fait émerger une majorité anti-syrienne pour la première fois depuis la fin de la guerre civile de 1975-90. Le cabinet de Fouad Siniora est composé de députés et non de parlementaires, à égalité entre chrétiens et musulmans. Il compte 16 nouveaux ministres dont plusieurs n'ont jamais occupé de fonctions ministérielles. C'est le cas des ministres des Finances, Jihad Qazaour et de l'Economie Sami Haddad. Ces deux hommes travaillaient auparavant pour des organisations internationales. Le Courant du Futur de Saad Hariri, fils de l'ex-Premier ministre assassiné Rafic Hariri, dont fait partie M.Siniora, a obtenu huit ministères. Son principal allié, le député et chef druze Walid Joumblatt en a eu trois. L'opposition chrétienne alliée au bloc Hariri s'est vue également attribuer trois portefeuilles. Parmi eux, l'unique femme de l'équipe, Nayla Moawad, nommée aux Affaires sociales. Le poids du chef de l'Etat Emile Lahoud a, lui aussi, joué dans la distribution des cartes. La majorité parlementaire aurait souhaité le départ de M.Lahoud, mais l'absence de procédure constitutionnelle rend son éviction plus difficile. Ses proches se sont vus eux aussi attribuer trois ministères et ce à l'issue d'un véritable bras de fer. Il s'agit de la Défense, maintenu aux mains de son gendre Elias Murr, échappé récemment à un attentat, la Justice, attribué à Charles Rizk, et l'Environnement à Yacoub Sarraf. Les chiites, propulsés sur le devant de la scène sous la tutelle syrienne, maintiennent leur influence en dépit du retrait des troupes de Damas fin avril. Amal, allié du Hezbollah, a obtenu que les Affaires étrangères restent aux mains d'un chiite, Fawzi Salloukh. Ce dernier a été ex-ambassadeur proche du Conseil supérieur chiite, la plus haute instance de cette communauté au Liban. Il faut entre outre ajouter que Amal et Hezbollah estiment que la résolution 1559 de l'Onu, qui exige le désarmement des milices, en allusion au Hezbollah notamment, porte atteinte à la "résistance" anti-israélienne et vise à les affaiblir. Malgré les tentatives, le bloc parlementaire du général Michel Aoun n'a pas pu participer au cabinet de M.Siniora. Ce dernier s'est montré très satisfait de son cabinet. En effet, il a déclaré qu'il s'agissait d'une équipe homogène et solidaire choisie pour être à la hauteur des défis auxquels le Liban est confronté. Le Premier ministre s'est dit "fier" d'avoir dans son équipe un membre du Hezbollah. La formation du premier gouvernement de l'ère post-syrienne marque ainsi une étape importante d'un nouveau Liban qui s'apprête à tourner un page obscur de son histoire.