La sortie médiatique du patron des patrons a suscité l'ire des membres de la CGEM. Parmi les reproches faits à Hassan Chami, son fort discours politique ainsi que la défense d'intérêts bien personnels. «L'enfer, c'est l'autre ». Hassan Chami semble être un fervent adepte de la formule de Jean Paul Sartre. En témoigne sa dernière sortie sur les colonnes de notre confrère la Vérité du 8 juillet dernier. Une sortie où le patron des patrons a tiré, à boulets rouges, sur tout ce qui bouge, au risque de torpiller le processus des réformes en marche. Tout y passe. À commencer par le système économique dont il a, personnellement, bénéficié en passant par le système de gouvernance et l'administration. La réponse à de tels propos ne s'est pas faite attendre. Lors d'un entretien avec l'hebdomadaire La Vie Eco du 15 au 21 juillet, le ministre de l'Intérieur Mustapha Sahel a estimé que Hassan Chami, est bien placé, «lui qui a même été ministre des Travaux publics au début des années 70, pour connaître le fonctionnement de cette gouvernance qu'il critique ». Et au ministre d'ajouter : « Je serais étonné que la majorité des hommes d'affaires se reconnaissent dans la caricature de l'histoire de la bourgeoisie marocaine décrite par M. Chami. Cette sortie médiatique inhabituelle de la part du premier patron du pays a suscité l'ire des membres de la Confédération. Dans les coulisses de la CGEM, Hassan Chami cherche à atténuer l'impact de son argumentaire au point de chercher à s'en dédouaner. Il n'a de cesse de plaider qu'il a agi en son nom propre. «Justement, les statuts de la CGEM interdisent une telle sortie. La confédération est, et doit rester, apolitique. Son rôle porte sur l'accompagnement et l'encadrement des entreprises, sans prendre part au volet purement politique», estime le président d'une fédération sous couvert d'anonymat tout en ajoutant «nous ne sommes pas un parti politique. Hassan Chami n'avait qu'à parler en son propre nom». La conférence de presse de ce lundi 18 juillet, initialement prévue pour la présentation du rapport Mc Kinsey, se transformera assurément en une opportunité pour la patron des patrons de rattraper le coche. D'ailleurs, l'interview objet à controverse, hormis ses dérapages, s'inscrivait initialement dans un plan média, visant le déblocage du dossier Mc Kinsey. Suite au Conseil national du patronat et à la demande des initiateurs du projet (primature et ministère du Commerce et de l'Industrie), cette sortie devait prêter main-forte à la mise en chantier du projet. Mais, bien évidemment, trop de communication tue la communication. Dans le détail, au flou politique dénoncé par Hassan Chami, les détracteurs de ce dernier lui opposent le flou qui règne actuellement au sein de la Confédération. Une poignée d'hommes d'affaires, aux commandes de la Confédération, anecdotiquement qualifiée de «tontons flingueurs», essaient par tous les moyens de préserver leur prestige. Cette vieille garde vise le maintien du statu quo. Il y va de ses intérêts. Les dernières élections au poste de président l'ont bien démontré. La guerre menée contre le mouvement réformateur a fini par tourner en faveur des éléphants de la centrale. Pis, Hassan Chami n'a pas hésité à citer nommément le rôle joué par le gouvernement d'alternance qui, selon lui, cherchait à domestiquer la CGEM. « Il faut rompre avec la représentativité imposée ou préfabriquée. Et ce n'est pas nouveau. En fait en leur temps, Si Abderrahman Youssoufi, avec Si Lahlimi, avaient même créé une fédération, qui a eu droit à une surmédiatisation. On a même réussi à créer beaucoup de partis à la cocotte-minute alors que maintenant, on veut créer des associations professionnelles ex-nihilo», déclarait Hassan Chami. Cet argument a été interprété par certains observateurs comme une volonté manifeste de garder la CGEM au centre de l'évolution démocratique. « Cette attitude de M.Chami renseigne sur les comportements des patrons tournesols. Hier, ils tiraient profit du système, maintenant se positionnent pour accompagner le changement. Justement, ils ont trouvé le bon filon pour être du côté des gagnants », déclare l'un d'eux. Derrière cette argumentation, les intérêts personnels sont pointés du doigt. Toujours plus, semble être un leitmotiv, alors que le poids réel de la Confédération n'est pas avéré. Elle ne présente que 1800 entreprises pour 10% de la masse salariale déclarée. En face, la PME qui représente la majorité du tissu économique ne semble pas faire le poids, aux yeux du patron des patrons. Aussi, le président de la CGEM est clairement décrié pour sa non-retenue, par ses temps d'attaques répétées en provenance de l'extérieur et visant la déstabilisation du Royaume. Son appel peut être interprété comme un message au désinvestissement surtout de la part des étrangers. Déjà que les patrons en interne n'ont plus cette aversion au risque, propre aux entrepreneurs, alimenter un tel débat est de nature à faire fuir ceux qui envisagent de miser sur le Royaume. Alors, excès de zèle ou pis, manipulation ? Hassan Chami se doit de clarifier sa position. La conférence de presse prévue ce lundi 18 juillet lui donnera assurément l'occasion de dissiper les malentendus, voire d'avaler son chapeau !